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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 104

Le mercredi 8 mars 2023
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 8 mars 2023

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L’Arctic Food Bank

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler du travail incroyable qu’accomplit l’Arctic Food Bank dont s’occupe la communauté musulmane d’Iqaluit.

La communauté musulmane d’Iqaluit compte une centaine de membres, mais son action a une incidence sur la ville bien supérieure à sa taille. Toutes les deux semaines, la mosquée ouvre les portes de sa banque alimentaire et sert les personnes confrontées à l’insécurité alimentaire grâce au soutien du Muslim Welfare Centre, un organisme à but non lucratif de Toronto.

Cette année marque le cinquième anniversaire de l’ouverture de cette banque alimentaire. Samedi dernier c’était également le début du projet Ramadan, une initiative du Muslim Welfare Centre qui est dirigée par le vice-président Muhammad Iqbal.

Pour les musulmans, le ramadan est un temps de renouveau spirituel qui passe par le jeûne et la charité. Le projet Ramadan est un moyen pour les musulmans d’aider davantage leurs communautés pendant cette période. Par un heureux hasard, le lancement du projet Ramadan, qui est prévu au début du mois du ramadan, coïncide avec une période où les habitants d’Iqaluit en ont bien besoin, car la seule autre banque alimentaire de la ville a dû fermer ses portes la semaine dernière après que le bâtiment a gelé.

Même si je ne pouvais pas y être, je suis reconnaissant envers ma collègue, la sénatrice Salma Ataullahjan, qui s’est rendue avec moi à Iqaluit il y a cinq ans pour l’inauguration de la banque alimentaire et qui, la semaine dernière, a bravé des températures de -55 degrés Celsius et l’hiver arctique pour assister à l’événement. Elle était accompagnée du premier ministre P.J. Akeeagok. On a distribué des fruits et des légumes frais, des œufs et des aliments secs à 93 personnes issues de différents ménages. Une équipe de bénévoles, dirigée par Muhammad Wani, a préparé et distribué les paquets à un total de 237 adultes et de 170 enfants dans le besoin.

Il faut dire que ce sont les femmes de la mosquée d’Iqaluit qui sont à la base du travail accompli par la banque alimentaire — des femmes comme Selma, une mère seule qui, avec ses trois enfants âgés de 4 à 9 ans à peine, a travaillé de 17 heures à 21 heures le vendredi soir pour remplir des sacs, puis qui est revenue à la banque alimentaire samedi matin à 9 heures pour en préparer la distribution.

Grâce au travail inlassable du groupe de bénévoles dévoués de l’Arctic Food Bank de la mosquée d’Iqaluit — le plus jeune membre de ce groupe n’ayant que 4 ans —, des centaines de Nunavummiuts ont pu se nourrir cette semaine, en ces temps d’inflation élevée et d’insécurité alimentaire.

Honorables sénateurs, veuillez vous joindre à moi pour remercier la communauté musulmane et, à l’occasion de la Journée internationale des femmes, plus particulièrement les femmes bénévoles comme Selma, qui ne ménagent pas leurs efforts pour aider leurs voisins en difficulté.

Merci. Qujannamiik.

Visiteurs de marque à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de notre ancien collègue l’honorable Douglas Black et de Gary Mar.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je suis heureux de vous revoir au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Renata Woodward, de Brice Caillie, de Genevieve Gallant, de Paul MacNair, de Bianca McGregor et de Jodi Joy. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Galvez.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

La Journée internationale des femmes
La Journée mondiale de l’ingénierie pour le développement durable

L’honorable Rosa Galvez : Je souligne aujourd’hui en Chambre deux journées internationales importantes du mois de mars : la Journée internationale des femmes et la Journée mondiale de l’ingénierie pour le développement durable.

[Traduction]

La Journée internationale des femmes est l’occasion de réfléchir aux efforts qu’il reste à accomplir pour parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes, mais aussi de célébrer les réalisations des femmes. L’atteinte de l’égalité entre les hommes et les femmes n’est pas seulement une question morale. C’est aussi une question de bon sens économique et une bonne chose pour tous les aspects de la vie, qu’il s’agisse de l’accès à la santé et à l’éducation, du pouvoir politique ou du potentiel de revenu. Le facteur le plus important de la compétitivité d’un pays est son talent humain — les compétences et la capacité d’innovation de sa main-d’œuvre. C’est pourquoi la participation adéquate de la moitié de la population mondiale est si importante pour le bien de notre économie, de notre tissu social et de notre environnement.

La Journée mondiale de l’ingénierie pour le développement durable nous donne l’occasion de mettre en lumière les réalisations des ingénieurs dans notre monde moderne et d’aider le public à mieux comprendre que l’ingénierie et la technologie sont au cœur du développement durable. Les ingénieurs sont à l’avant-garde de la conception de solutions innovantes visant à atténuer les émissions de gaz à effet de serre, à s’adapter aux répercussions du changement climatique et à renforcer la résilience de nos collectivités. Nous avons besoin de plus de femmes dans les domaines de la science, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques et, pour y arriver, nous devons mettre fin aux stéréotypes liés au genre, accueillir et célébrer les jeunes femmes dans le secteur de l’ingénierie et promouvoir les modèles et le mentorat.

Il est important de reconnaître que les femmes et les filles sont touchées de façon disproportionnée par les changements climatiques, en particulier dans les pays en développement. Les femmes sont souvent chargées d’approvisionner leur famille en nourriture, en eau et en énergie, et les changements climatiques peuvent exacerber les défis auxquels elles sont déjà confrontées. Fait important, les femmes jouent aussi un rôle essentiel dans la lutte contre les changements climatiques en tant qu’agents de changement dans leur communauté et en tant que chefs de file dans les domaines de la science, du génie et de la technologie.

Tandis que nous célébrons ces deux journées importantes, rappelons-nous que l’égalité des genres et le développement durable vont de pair.

(1410)

C’est en travaillant ensemble et en tirant parti des compétences des ingénieures que nous pourrons créer un monde meilleur, plus équitable et plus durable pour tous.

Enfin, j’aimerais profiter de cette occasion pour vous inviter tous à une réception organisée par Nature Canada qui aura lieu demain soir, de l’autre côté de la rue. Vous recevrez un courriel à ce sujet. J’espère que vous y serez tous. Merci, meegwetch.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de membres de la nation métisse de la Saskatchewan. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Boyer.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Journée internationale des femmes

L’honorable Rose-May Poirier : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner et célébrer la Journée internationale des femmes, un événement que célèbrent les femmes partout dans le monde.

La Journée internationale des femmes est une occasion de souligner les réalisations économiques, politiques et sociales des femmes d’hier, d’aujourd’hui et de demain. C’est aussi l’occasion de rappeler et de renforcer cette importante valeur qu’est l’équité que nous chérissons au Canada et que nous tentons de promouvoir ailleurs dans le monde.

[Français]

Le thème du gouvernement du Canada pour la Journée internationale des femmes de 2023 est « Chaque femme compte ».

Pour célébrer le thème de cette année, j’aimerais vous faire connaître plusieurs Néo-Brunswickoises qui font honneur aux valeurs de cette journée et qui représentent trois moments : le passé, le présent et le futur.

L’Acadienne Émilie C. LeBlanc, connue sous le surnom de Marichette, était une véritable avant-gardiste. Née à Memramcook en 1863 et enseignante de profession, elle a écrit plusieurs lettres dans le journal L’Évangéline sous le pseudonyme de Marichette afin de dénoncer l’injustice sociale à l’endroit des Acadiens et des femmes, comme le droit à la parole, le droit à l’éducation et le droit de voter.

Elle n’avait pas la langue dans sa poche comme l’indique une lettre dans laquelle elle mentionne que les femmes meurent d’envie d’aller dans les bureaux de scrutin pour montrer aux vieux comment voter.

[Traduction]

En ce qui concerne les femmes inspirantes d’aujourd’hui, je n’ai pas à chercher bien loin parce qu’un grand nombre de femmes sont des leaders dans ma collectivité du comté de Kent. Je pense, entre autres, à la merveilleuse Danielle Dugas, qui a été la première femme élue à la mairie de Saint-Louis-de-Kent. Quand je me suis portée candidate à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick il y a 24 ans, on me demandait si le comté de Kent était prêt à ce qu’une femme soit députée provinciale. Aujourd’hui, je peux affirmer avec certitude que les femmes sont prêtes. Lors de mon second mandat, la municipalité de Rogersville a servi d’exemple remarquable de tous les progrès accomplis. Or, je n’étais pas la seule femme à servir ma collectivité à l’époque. En effet, Pierrette Robichaud était mairesse de Rogersville, et le détachement local de la GRC comptait de nombreux membres féminins. Vraiment, il ne manquait pas de femmes leaders dans cette municipalité.

Depuis 2021, le gouvernement du Nouveau-Brunswick remet le Prix de la ministre pour l’excellence dans la promotion de l’égalité des genres. Ce prix a été créé pour rendre hommage aux femmes qui ouvrent la voie à l’égalité des genres ou qui en font la promotion au Nouveau-Brunswick. L’un des prix, le prix Jeune Championne, a été remis à Vera Chen, en 2022, et à Emma Coakley, en 2021, pour leur manière remarquable de promouvoir l’inclusivité. Vera Chen le fait avec la musique tandis qu’Emma Coakley incarne cette valeur en vivant avec un handicap. Ces marques de reconnaissance sont des initiatives importantes qui soulignent et renforcent les valeurs chères à notre société.

[Français]

De la fin du XIXe siècle au début du XXIe siècle, on a remarqué l’évolution des femmes, qui devaient publier sous un autre nom des lettres demandant du changement, à des femmes qui ont pavé le chemin du changement, tant pour leur communauté que pour les femmes de demain.

Honorables sénateurs et sénatrices, joignez-vous à moi pour saluer l’énorme travail qui a été fait, en souhaitant que le chemin vers le progrès continue.

Merci.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du chef Darren Blaney. Il est l’invité de l’honorable sénateur Ravalia.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Journée internationale des femmes

L’honorable Wanda Thomas Bernard : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour souligner la Journée internationale des femmes, qui se déroule cette année sous le thème « Embrasser l’équité » ou #Embraceequity. Cette journée permet de célébrer les réalisations des femmes et de lancer du même coup un appel à l’action pour atteindre l’équité entre les sexes.

Au Sénat, le premier pas vers cette équité a été fait lorsqu’une femme a été nommée sénatrice en 1930. Aujourd’hui, bon nombre de mes collègues sont d’origines diverses et offrent des exemples d’intersectionnalité. En outre, plusieurs sénateurs ont créé des précédents, ce qui indique qu’au Sénat, nous ne faisons qu’amorcer la transition vers l’équité entre les sexes.

À titre d’exemple, je signale que la sénatrice Mobina Jaffer a été la première musulmane nommée au Sénat, que la sénatrice Yonah Martin est la première sénatrice canadienne d’origine coréenne et que la sénatrice Marie-Françoise Mégie est la première Canadienne d’origine haïtienne à être nommée au Sénat. Par ailleurs, notre collègue Sandra Lovelace Nicholas, qui a récemment pris sa retraite, était la première Autochtone du Canada atlantique à siéger au Sénat. Enfin, la sénatrice Yvonne Boyer est la première Autochtone à représenter l’Ontario au Sénat.

Il y a des sénatrices ici qui ont été des pionnières à l’extérieur de cette enceinte. La sénatrice Pat Duncan a été la première femme élue au poste de première ministre du Yukon. La sénatrice Bernadette Clement a été la première femme noire à accéder au poste de mairesse en Ontario. La sénatrice Sharon Burey a été la première femme noire à accéder à la présidence de la Pediatricians Alliance of Ontario. La sénatrice Gigi Osler a été la première femme racisée à être élue présidente de l’Association médicale canadienne. Je pourrais continuer longtemps. D’autres sénatrices ont aussi des réussites impressionnantes, et je n’ai le temps que d’en citer quelques-unes.

Il est extrêmement important que les jeunes gens voient la diversité des femmes qui occupent des postes de pouvoir et d’influence. Cela les inspire à devenir des leaders dans leurs propres collectivités.

Honorables sénateurs, je vous invite tous à vous joindre à moi en cette Journée internationale des femmes pour célébrer les réalisations de toutes les femmes, à mesure que nous poursuivons notre cheminement vers l’égalité et l’équité. Je souhaite à toutes nos collègues ici, au Sénat, une joyeuse Journée internationale des femmes. Asante, merci.

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Elsie Reford et d’Alexander Reford. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Forest.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Elsie Reford

L’honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, dans le cadre de la Journée internationale des femmes, les Jardins de Métis et les éditions Umanium lancent ce mercredi le livre Elsie Reford : 150 objets de passion.

Le lancement officiel aura lieu ce soir à 19 heures, à Bibliothèque et Archives Canada, en présence d’Alexander Reford, auteur, historien, directeur des Jardins de Métis et arrière-petit-fils d’Elsie Reford.

Elsie Reford, née Mary Elsie Stephen Meighen en 1872, est surtout connue pour avoir fondé les Jardins de Métis dans le Bas‑Saint-Laurent. Autodidacte, elle entreprend en 1926, à l’âge de 54 ans, l’élaboration de jardins thématiques autour de la villa Estevan, un domaine de plus de 20 hectares. Passionnée et méticuleuse, elle devient une spécialise des plantes et en vient à publier dans de nombreuses revues horticoles au Canada et à l’étranger.

Ouverts au public depuis 1962, ses jardins sont classés comme site patrimonial en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel du Québec depuis 2012. Les visiteurs peuvent y admirer plus de 3 000 espèces et variétés de plantes, dont le fameux pavot bleu de l’Himalaya. Je vous invite fortement à visiter ce lieu magique.

Je m’en voudrais de passer sous silence le travail du directeur actuel des Jardins, M. Alexander Reford, qui donne un second souffle au domaine depuis 1995. M. Reford a d’ailleurs été nommé, en 2021, membre de l’Ordre du Canada pour souligner son leadership dans la communauté horticole canadienne, son soutien au développement du tourisme régional et sa contribution à la conservation du patrimoine et de l’environnement.

On connaît l’héritage horticole de Mme Reford, mais j’aimerais aussi souligner, en cette journée spéciale, sa contribution à l’avancement de la condition féminine. Préoccupée par le manque d’occasions pour les femmes de s’informer sur les débats politiques, économiques et sociaux de son époque, Mme Reford a fondé en 1907 le Cercle canadien des femmes de Montréal, en collaboration avec Julia Drummond. Ce club avait pour objectif de promouvoir l’unité canadienne et de fournir des informations aux femmes.

(1420)

Au fil des ans, des personnalités éminentes telles que le gouverneur général Earl Grey, des politiciens et des premiers ministres tels que Wilfrid Laurier et Arthur Meighen, des écrivains illustres et des philanthropes ont été invités à s’exprimer devant le Women’s Canadian Club.

L’engagement politique et social d’Elsie Reford s’est exprimé sous plusieurs formes : discours, bénévolat, lobbying, écriture. Elle prendra notamment la plume pour dénoncer le traité de libre‑échange Canada—États-Unis de 1911 et participera à différentes tribunes publiques pour défendre la conscription en 1917. On raconte qu’elle a même tenté de convaincre Henri Bourassa des mérites du mouvement fédératif de l’Empire britannique. On peut certainement dire qu’elle avait confiance en ses moyens pour s’attaquer à pareille tâche.

Impliquée socialement, elle participe notamment au financement du tricentenaire de Québec et au projet de création d’un parc national sur les plaines d’Abraham. Elle aidera aussi les familles de militaires canadiens éprouvées par la guerre en s’impliquant dans le Fonds patriotique canadien.

En conclusion, féministe avant l’heure, Elsie Reford, née il y a plus de 150 ans, n’a pas hésité à occuper chaque parcelle de la liberté d’action qui lui était accordée, un peu comme ses magnifiques jardins qui ont fini par faire leur place à travers une forêt d’épinettes.

Je vous souhaite une magnifique Journée internationale des femmes et j’espère que cette journée sera porteuse de solidarité et de respect.


[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

L’ajournement

Préavis de motion

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 21 mars 2023, à 14 heures.

[Français]

Son Excellence Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne

Allocution aux membres du Sénat et de la Chambre des communes—Adoption de la motion visant à imprimer les discours sous forme d’annexe

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que l’adresse de Son Excellence Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, prononcée le mardi 7 mars 2023 devant les deux Chambres du Parlement, de même que les présentations et les observations qui s’y rapportent, soient imprimées sous forme d’annexe aux Débats du Sénat et constituent partie intégrante des archives de cette Chambre.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(Le texte des discours figure en annexe.)

L’Association parlementaire canadienne de l’OTAN

Les réunions du Bureau et de la Commission permanente, tenues les 9 et 10 avril 2022—Dépôt du rapport

L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN concernant les réunions du Bureau et de la Commission permanente, tenues à Athènes, en Grèce, les 9 et 10 avril 2022.

La session du printemps, tenue du 25 au 30 mai 2022—Dépôt du rapport

L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN concernant la session du printemps, tenue à Vilnius, en Lituanie, du 25 au 30 mai 2022.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires étrangères

L’intégrité des élections

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, le Globe and Mail a beaucoup parlé de documents du Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, qui révèlent l’ampleur de l’ingérence menée par le régime communiste de Pékin dans les élections fédérales canadiennes de 2019 et 2021 — au moyen de financement, de menaces, d’intimidation, de refus de visas, de campagnes de désinformation, et j’en passe —, afin d’atteindre l’objectif souhaité, soit l’élection d’un gouvernement libéral minoritaire et la défaite des conservateurs.

Rien de tout cela n’a de quoi étonner le premier ministre. Le premier ministre et son Cabinet étaient au courant de la situation, n’ont rien fait pour y mettre fin et l’ont cachée aux Canadiens. Nous savons tous pourquoi. C’est parce qu’elle lui était profitable, monsieur le leader.

Il y a deux semaines, le premier ministre a prétendu que les nouvelles sur l’ingérence étrangère dans les élections contenaient « beaucoup d’inexactitudes. » Monsieur le leader, quelles sont ces inexactitudes?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, cher collègue. Nous sommes tous d’accord, malgré les divergences d’opinions, pour dire que cette affaire est grave. Le gouvernement actuel prend la situation très au sérieux. Protéger nos institutions démocratiques, préserver l’intégrité du système électoral et veiller à ce que celui-ci résiste aux tentatives d’ingérence de la part d’acteurs étrangers sont toutes de grandes priorités. Ce sont des priorités pour chaque sénateur, j’en suis sûr, pour chaque parlementaire, et en fait pour chaque Canadien.

Le gouvernement prend cette affaire au sérieux. Il n’y a aucune preuve, comme l’ont indiqué plusieurs rapports, que les élections ont été compromises. C’est ce qui ressort clairement du rapport de Morris Rosenberg.

En effet, l’ancien directeur de la campagne électorale nationale des conservateurs Fred DeLorey a déclaré que « [...] le résultat des élections n’a pas été influencé par une quelconque ingérence extérieure » et qu’il n’y a pas l’ombre d’un doute là-dessus.

Ce n’est pas la fin de l’histoire. La question importante est de savoir quelles mesures sont prises à la fois pour protéger nos institutions et pour comprendre toute l’étendue des gestes qui ont été posés, et quelles mesures sont prises pour les combattre.

À cet égard, les démarches que le premier ministre a annoncées, soit de faire appel au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et à l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement ainsi que de nommer un rapporteur spécial, sont autant de mesures destinées à faire toute la lumière sur cette affaire, de manière responsable et prudente.

Le sénateur Plett : J’espérais que votre réponse allait au moins se rapporter à la teneur de ma question.

Vous dites que le gouvernement prend la situation au sérieux. Le premier ministre la prend tellement au sérieux qu’il refuse de répondre à une question bien simple : quand?

Global News a révélé récemment que des membres importants du Cabinet du premier ministre ont été informés par le Service canadien du renseignement de sécurité avant les élections fédérales de 2019 d’un cas précis d’ingérence étrangère de la part du régime communiste de Pékin. Les réponses que nous avons entendues de la part du premier ministre sont loin de répondre aux questions sérieuses qui lui ont été posées à ce sujet, tout comme la réponse que vous avez donnée il y a une minute.

Il est honteux que son premier réflexe ait été de s’en prendre aux sonneurs d’alarme du Service canadien du renseignement de sécurité plutôt qu’à l’ingérence dans les affaires de notre pays. L’annonce que le premier ministre a faite lundi était tout à fait insuffisante, mais il n’aurait pas dit un mot là-dessus si des journalistes n’avaient pas vu les documents du Service canadien du renseignement de sécurité.

Monsieur le leader, quand? Quand le premier ministre et son personnel ont-ils été informés par nos services de sécurité nationale au sujet de ces allégations d’ingérence de la part du Parti communiste à Pékin, et quelle information ont-ils reçue?

Le sénateur Gold : Ce sont des questions importantes. En tant que parlementaires, nous devons les aborder de manière responsable.

Le premier ministre ne va pas divulguer les recommandations ou les renseignements que les services de sécurités lui ont fournis, et il ne serait certainement pas judicieux de le faire.

(1430)

Le fait est que le premier ministre a annoncé que le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, qui se compose de parlementaires ayant une habilitation de sécurité, examinera cette question, comme il a examiné dans le cadre de ses importants rapports sur l’ingérence étrangère les mesures prises par nos institutions pour nous protéger. Je recommande à chaque sénateur de lire le rapport de ce comité sur l’ingérence étrangère, qui vous permettra de constater que le gouvernement prend cette question au sérieux depuis longtemps.

En outre, chers collègues, le rapporteur spécial, dont la nomination est imminente, pourra conseiller le premier ministre sur les autres mesures à prendre. J’ajouterai que l’ancien président de campagne du Parti conservateur a suggéré que la manière appropriée d’aller au fond des choses serait de donner au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement les moyens de faire le travail.

L’honorable Leo Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, avec tout le respect que j’ai à votre égard, la question n’est pas de savoir si Justin Trudeau et ses amis à Pékin ont réussi à influencer les résultats d’élections. En ce qui concerne les déclarations de Fred DeLorey et le fait que le gouvernement essaie de justifier un vol de banque, je dirai que ne pas s’emparer du butin ne veut pas dire qu’on n’a pas tenté d’enfreindre la loi.

Lorsqu’il a été révélé l’automne dernier que le premier ministre avait reçu des avertissements des services de renseignement au sujet de l’ingérence de Pékin dans les élections du Canada, il a nié encore et encore. Toutefois, au fil des dernières semaines, alors que plus de détails ont été révélés sur de nombreux rapports à propos du premier ministre et de son personnel, le démenti est devenu beaucoup moins plausible.

Un de ces rapports venait du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, un comité qui, comme vous le savez, ne relève malheureusement pas du Parlement. Il rend des comptes directement au premier ministre. Le premier ministre a tout récemment admis qu’il avait ignoré les recommandations du comité à propos de l’ingérence étrangère. Ce sont les faits.

Pourtant, lundi dernier, dans une liste de tactiques dilatoires annoncée par le premier ministre, on a vu ce même comité, qui doit faire rapport sur la même question à un premier ministre l’ayant ignoré. Sénateur Gold, après avoir menti à propos de ce qu’il savait, il l’a maintenant admis — le premier ministre a bel et bien menti. Au début, il a prétendu que c’étaient des mensonges, que les rapports n’étaient pas fondés. Eh bien, les faits ont prouvé le contraire.

Ma question est simple : comment le public canadien peut-il faire confiance à ce premier ministre après qu’il ait menti de manière éhontée sur cette question?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je suppose que mes explications préliminaires n’ont pas suscité l’intérêt des membres de l’opposition. Il s’agit de questions sérieuses qui doivent être abordées de manière responsable. La partisanerie est une chose. Le fait d’accuser notre premier ministre et de le traiter de menteur est un exemple de la façon dont la partisanerie irrationnelle sur des questions sérieuses qui préoccupent les Canadiens contribue à saper la confiance dans notre institution. J’ajouterai qu’il est temps pour nous de montrer véritablement l’exemple dans ce débat.

Il est temps que tous les parlementaires, y compris ceux du Sénat, montrent véritablement la voie à suivre sur cette question très importante et délicate qui fait intervenir plusieurs ministères et plusieurs agences qui se sont engagés à assurer la sécurité des Canadiens. Je les félicite d’ailleurs pour leur travail.

Il suffit de regarder vers le sud, chers collègues, pour voir à quel point ce genre d’invectives, qu’ils soient adressés au premier ministre, à d’autres dirigeants ou à nos institutions, peuvent être corrosifs et saper les fondements essentiels de notre démocratie.

Je m’arrête là, car je pourrais en dire plus, mais, bien sûr, l’opposition conservatrice au Sénat est indépendante de son chef, nous dit-on, et je ne profiterai donc pas de l’occasion pour vous rappeler ce que le chef de l’opposition a dit au sujet du premier ministre, mais je suis sûr que vous l’avez tous lu avec intérêt. Ce n’est pas une façon responsable, chers collègues, de traiter une question importante.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, ce qui n’est pas responsable, c’est qu’en huit ans, un gouvernement ne fasse absolument rien pour lutter contre l’influence étrangère. Un projet de loi du Sénat vise à établir un registre des agents d’influence étrangers, mais son étude n’a aucunement progressé parce que les sénateurs indépendants ne semblent pas préoccupés par l’influence étrangère.

Le gouvernement ne fait rien et ne tient pas compte des recommandations du SCRS. L’ancien directeur du SCRS, l’ancien directeur général des élections et un comité parlementaire de la Chambre des communes démocratique demandent maintenant tous la tenue d’une enquête publique indépendante, mais le premier ministre continue d’atermoyer, et vous osez nous faire la leçon en matière de partisanerie? Je vous en prie.

Sénateur Gold, encore pire que d’en venir à la conclusion que nous américanisons la politique canadienne est de nous accuser d’être tous racistes parce que nous nous soucions de la sécurité des Canadiens. C’est ce que le premier ministre a trouvé de mieux à dire pour sa défense. C’est ridicule.

À l’heure actuelle, les personnes les plus victimisées et les plus menacées par cette ingérence étrangère et qui voient leurs droits démocratiques bafoués sont les Canadiens d’origine chinoise et de diverses diasporas. Ces personnes se font influencer, enjôler et intimider en sol canadien. Elles méritent mieux que cela.

La défense « ce n’est que de la partisanerie » est inacceptable. Puisque vous refusez de reconnaître que le premier ministre a menti lorsqu’il a nié être au courant et a menti quant à la date à laquelle il a été informé, reconnaîtrez-vous à tout le moins que le premier ministre doit des excuses aux Canadiens de diverses diasporas pour avoir traité de racistes ceux qui osent dénoncer la situation et qu’il cause du tort en utilisant un outil aussi important à des fins partisanes? Quand présentera-t-il ses excuses à ces Canadiens?

Le sénateur Gold : Le premier ministre travaille de façon adéquate et responsable à protéger les Canadiens contre l’ingérence étrangère.

Je le répète, c’est une question sérieuse. Il faut s’en occuper de façon responsable et traiter le premier ministre de menteur n’est pas responsable. Il est irresponsable pour un chef de parti — quelqu’un qui aspire à devenir premier ministre — d’affirmer essentiellement que le premier ministre travaille contre les Canadiens pour servir les intérêts d’un pays étranger. Cela équivaut à traiter notre premier ministre de traître et ce n’est pas acceptable.

Je comprends qu’il y ait de la partisanerie au Parlement, mais je m’attends à mieux lorsqu’il est question d’enjeux aussi sérieux.

Tant qu’à parler de cette situation, sénateur Housakos, il convient de rappeler aux Canadiens et aux sénateurs que les accusations et les allégations d’ingérence étrangère ne datent pas d’hier. La personne qui accuse aujourd’hui le premier ministre d’être à la solde d’un pays étranger et de travailler à l’encontre des intérêts de son propre pays, le chef du Parti conservateur, a déjà été ministre de la Réforme démocratique. Il a occupé ce poste de 2013 à 2015. Il avait été averti par le SCRS et par le conseiller à la sécurité nationale du premier ministre de l’existence du problème de l’ingérence chinoise. Il n’a absolument rien fait. Le premier ministre, lui, agit et les Canadiens peuvent être fiers que le gouvernement défende leurs intérêts.

La sécurité publique

Le Service canadien du renseignement de sécurité

L’honorable Yuen Pau Woo : Sénateur Gold, ce que les médias ont rapporté et auquel les sénateurs Plett et Housakos ont fait référence provient entièrement de sources anonymes et non vérifiées qui laissent filtrer ce qui semble être des renseignements classifiés. Je tiens à signaler que lorsqu’on leur a demandé des explications sur ce type de renseignements, les hauts fonctionnaires les ont qualifiés de « faussetés », d’« incomplets » et de « rumeurs ».

Le gouvernement a décidé de nommer un rapporteur spécial, mais que fait-il pour enquêter non seulement sur les personnes qui ont enfreint la loi en divulguant des renseignements classifiés, mais aussi sur les pratiques plus larges de certains éléments au sein et proches du service de renseignement qui utilisent des méthodes clandestines pour diffuser des renseignements non vérifiés qui portent atteinte à notre système politique et qui stigmatisent de nombreux Canadiens d’origine chinoise?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Comme vous et le sénateur Housakos l’avez souligné dans le contexte de sa question et de ses observations, cette affaire fait des victimes, dont un grand nombre sont des membres de la communauté sino-canadienne qui sont pris pour cible ou vilipendés.

(1440)

Si j’ai bien compris, une enquête est en cours à tout le moins sur certains aspects de la divulgation de renseignements classifiés. Toutefois, à part cela, je n’ai pas d’information sur d’autres mesures que le gouvernement peut envisager.

Le sénateur Woo : Dans le même ordre d’idées, sénateur Gold, l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement a récemment publié un rapport condamnant la façon dont le SCRS peut ordonner à des tiers, notamment des entreprises privées, de prendre des mesures contre des particuliers à la lumière d’une évaluation secrète des risques, sans pour autant assumer la responsabilité des conséquences négatives éventuelles pour les particuliers et les entités mis en cause.

Que fait le gouvernement en réaction au rapport de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale pour limiter la possibilité d’ingérence de la part des organismes de renseignement canadiens?

Le sénateur Gold : Encore une fois, je n’ai pas de réponse à cette question, je ne vais donc pas émettre d’hypothèses quant à ce qu’elle pourrait être ou à l’opportunité de la rendre publique.

Le gouvernement a mis en place le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et il a confié à l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale une fonction officielle d’examen et de surveillance rigoureuse de nos services de sécurité — une véritable première —, ce qui montre qu’il prend très au sérieux l’importance d’une surveillance et d’un examen des activités de renseignement par des civils. J’estime que cette mesure devrait permettre aux Canadiens de croire qu’en cas d’irrégularité, une enquête en bonne et due forme sera menée par les personnes les mieux placées pour ce faire.

Transports et communications

Les travaux du comité

L’honorable Dennis Glen Patterson : Ma question s’adresse au président du Comité sénatorial permanent des transports et des communications.

Sénateur Housakos, le 7 février, la CBC a annoncé son intention de devenir un diffuseur de contenu exclusivement numérique. Bien qu’elle ait précisé que la société « n’abandonnera pas ses téléspectateurs et ses auditeurs de la télévision et de la radio traditionnelles », cette annonce soulève pour moi, un habitant d’une région rurale, des questions sur le moment choisi pour faire une telle annonce, compte tenu des graves problèmes liés à la large bande et à la connectivité dans les régions rurales et éloignées du Canada.

Sénateur Housakos, étant donné votre expérience dans ce dossier, pouvez-vous nous dire si vous avez des réserves à l’égard de cette annonce?

L’honorable Leo Housakos : Je vous remercie de votre question, sénateur Patterson. Elle est fort opportune et légitime.

J’ai des inquiétudes et tous les Canadiens devraient en avoir aussi, car la PDG de CBC/Radio-Canada a fini par reconnaître le déclin rapide de la radiodiffusion traditionnelle, et il est intéressant de noter qu’en plein milieu du débat houleux sur le projet de loi C-11, elle a reconnu, de fait, ce que beaucoup d’entre nous disent depuis longtemps. Elle a annoncé qu’il existe un plan décennal pour faire passer la CBC de câblodistributeur à plateforme numérique.

Cependant, si l’on examine les obligations de CBC/Radio-Canada liées à sa licence, on constate que la société est un câblodistributeur national qui est censé fournir des nouvelles régionales et nationales et des nouvelles locales dans les régions rurales et éloignées du pays. Il est clair qu’elle a reçu des milliards de dollars en subventions pendant plusieurs décennies pour offrir ce service. En se dégageant des responsabilités obligatoires liées à sa licence, elle prend l’argent des contribuables et l’investit dans le monde numérique pour développer sa plateforme numérique, ce qui ne relève évidemment pas de son mandat. Je suis inquiet et les Canadiens devraient l’être aussi.

Je me demande également pourquoi le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC, ne prend pas des mesures pour rappeler à CBC/Radio-Canada les obligations qui sont liées à sa licence. Je me demande également pourquoi le ministre et le ministère n’imposent pas les amendes et les pénalités prévues à CBC/Radio-Canada lorsqu’elle ne respecte pas ses obligations en matière de licence.

Le patrimoine canadien

La révision de la Loi sur le droit d’auteur

L’honorable Patricia Bovey : Sénateur Gold, vendredi dernier, huit arrestations ont été effectuées en lien avec la plus grande fraude liée à des œuvres d’art au Canada. Environ 1 000 fausses œuvres d’art ont été saisies, et des individus appartenant à trois réseaux ont été accusés d’avoir contrefait les œuvres du célèbre artiste autochtone Norval Morrisseau. On estime qu’il existe entre 4 500 et 6 000 de ces faux. Nombre d’entre eux ont été vendus pour des dizaines de milliers de dollars à des collectionneurs peu méfiants. Depuis des années, il est de notoriété publique que des contrefaçons des œuvres de Morrisseau sont sur le marché. La police a mis deux ans et demi à enquêter avant de procéder à ces arrestations, et les travaux menant à cette enquête ont duré plus de dix ans.

J’ai déjà fait part de mes préoccupations concernant l’ampleur de la fraude liée à des œuvres d’art dans cette enceinte, et j’ai mentionné d’autres activités frauduleuses qui ont une incidence négative sur les artistes canadiens, en particulier les artistes autochtones.

Quand le gouvernement renforcera-t-il la Loi sur le droit d’auteur et élaborera-t-il d’autres lois pour protéger les artistes visuels du Canada?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, sénatrice. Je n’ai pas de renseignements précis sur la partie de votre question qui concerne la Loi sur le droit d’auteur, mais je dirai que le gouvernement condamne fermement la fraude et l’escroquerie, dans le monde de l’art et dans tous les domaines où elles sont perpétrées. En effet, le gouvernement et les forces de l’ordre s’efforcent en permanence de détecter et d’empêcher les crimes, car c’est de cela qu’il s’agit, ainsi que de poursuivre leurs auteurs.

Comme nous le savons, conformément au budget de 2022, le gouvernement créera l’agence canadienne des crimes financiers, qui mènera des enquêtes sur des cas complexes liés à un large éventail d’infractions. Elle collaborera avec les forces de l’ordre pour veiller à ce que les criminels soient poursuivis avec toute la rigueur de la loi.

La sénatrice Bovey : Je vous remercie de cette réponse, sénateur Gold. On a formulé des suggestions très constructives sur des moyens d’entraver ce genre d’activités, allant de la mise en place d’un système d’étiquettes électroniques placées sur les œuvres d’art alors qu’elles sont encore dans le studio de l’artiste, à un registre pour confirmer l’authenticité qui pourrait accompagner une œuvre lorsqu’elle est déplacée d’une collection à une autre, en passant par la création d’un fonds pour aider les artistes à lutter contre ces violations du droit d’auteur, ainsi qu’une meilleure formation des agents de l’Agence des services frontaliers du Canada. Ces mesures protégeraient les artistes contre la perte de leur revenu et de leur patrimoine, en plus d’être utiles pour les collectionneurs qui ne se doutent de rien.

Le gouvernement tiendra-t-il compte de ces propositions ainsi que d’autres qui pourraient être formulées à la suite de ces fraudes?

Le sénateur Gold : Merci, sénatrice, de ces suggestions. Le gouvernement est toujours ouvert à de nouvelles façons d’améliorer sa capacité de prévenir la fraude. Il vaut beaucoup mieux prévenir que guérir, si je peux me permettre de faire une analogie avec la santé.

Je serais ravi d’organiser des réunions pour que vous puissiez transmettre vos recommandations aux bonnes personnes. Veuillez communiquer avec moi et nous nous en occuperons.

[Français]

Les affaires étrangères

Les relations sino-canadiennes

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Ma question s’adresse au sénateur Gold. Vous avez parlé du leadership du premier ministre. Je dirais qu’un véritable leader est aussi là pour apaiser l’insécurité des citoyens.

Un récent sondage révèle que 90 % des Canadiens sont inquiets au sujet de la situation relative au régime chinois, et que 60 % des Canadiens estiment que le leadership du premier ministre est plutôt faible dans le dossier de la Chine.

Depuis plusieurs années, plusieurs événements se sont produits et nous amènent à être inquiets quant au leadership du premier ministre, notamment lorsqu’il est question de l’enquête de la Gendarmerie royale du Canada sur la présence de cinq postes de police chinois à Toronto.

En 2020, je vous avais questionné au sujet de la présence possible de l’armée chinoise en territoire canadien et le général Vance avait alors affirmé sa position en disant qu’elle ne viendrait pas ici, parce qu’elle aurait accès à de l’information privilégiée canadienne et américaine. M. Trudeau, à l’époque, s’était opposé à la position du général Vance.

Sénateur Gold, ma question est la suivante. Cette admiration que voue le premier ministre Trudeau au régime chinois est-elle un signe de naïveté ou de complicité?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. En fait, ce n’est ni l’un ni l’autre.

Il est bien connu que, depuis plusieurs années, le régime chinois a non seulement changé de ton, mais a aussi changé ses actions envers le monde.

(1450)

Il y a plusieurs décennies que les gouvernements canadiens, non seulement libéraux, mais aussi celui du gouvernement Mulroney, le monde des affaires du Canada, les consommateurs canadiens et de partout dans le monde espèrent que la libération économique de la Chine et le rapprochement économique, l’intégration même de la Chine dans notre économie de l’Ouest, feraient en sorte qu’il y aurait une libéralisation politique et démocratique. Les dernières années démontrent que malheureusement pour les hommes, les femmes et les enfants de Chine, ce n’est pas le cas.

Donc, ce n’est pas une question de complicité; je rejette cela fermement, et ce n’est pas de la naïveté non plus. On apprend et on change face aux faits et à ce que nous vivons maintenant au Canada et partout dans le monde démocratique. On fait face à une puissance ayant des prétentions mondiales sur le plan politique, c’est pourquoi le gouvernement canadien prend des mesures importantes pour nous protéger et réévaluer plusieurs aspects de notre relation avec la Chine.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté le jeudi 16 février 2023, je quitte le fauteuil pour que le Sénat se forme en comité plénier sur la teneur du projet de loi C-39, Loi modifiant la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir). L’honorable sénatrice Ringuette présidera le comité.

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Étude de la teneur du projet de loi en comité plénier

L’ordre du jour appelle :

Le Sénat en comité plénier afin de recevoir l’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada, et l’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre de la Santé, accompagnés d’un total d’au plus trois fonctionnaires, relativement à la teneur du projet de loi C-39, Loi modifiant la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir).

(La séance est suspendue et le Sénat se forme en comité plénier sous la présidence de l’honorable Pierrette Ringuette.)


La présidente : Honorables sénateurs, le Sénat s’est formé en comité plénier pour étudier la teneur du projet de loi C-39, Loi modifiant la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir).

Honorables sénateurs, pendant un comité plénier, les sénateurs s’adressent à la présidente, mais ne sont pas obligés de se lever. Conformément au Règlement, le temps de parole est de 10 minutes — questions et réponses y comprises — mais, tel qu’ordonné, si un sénateur n’utilise pas tout son temps, il peut céder le reste de son temps à un autre sénateur. Le comité accueillera l’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada, et l’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre de la Santé, et je les invite maintenant à nous rejoindre accompagnés de leurs fonctionnaires.

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, l’honorable David Lametti, l’honorable Jean-Yves Duclos et leurs fonctionnaires prennent place dans la salle du Sénat.)

La présidente : Messieurs les ministres, j’ai le plaisir de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à présenter vos fonctionnaires et à faire vos observations préliminaires d’au plus cinq minutes combinées.

[Traduction]

L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci, madame la présidente. Je suis heureux de pouvoir vous parler aujourd’hui du projet de loi C-39, Loi modifiant la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir), que j’ai présenté à l’autre endroit le 2 février 2023.

Comme vous le savez, je suis accompagné par mon collègue Jean-Yves Duclos, ministre de la Santé; Joanne Klineberg, de mon ministère — elle peut faire un signe de la main —; Stephen Lucas, sous-ministre, de Santé Canada; et Jaquie Lemaire, de Santé Canada.

Madame la présidente, le projet de loi C-39 va temporairement prolonger la période d’exclusion de l’admissibilité à l’aide médicale à mourir dans les cas où la seule condition médicale invoquée en faveur de la demande d’aide médicale à mourir est une maladie mentale. La période est prolongée d’un an, soit jusqu’au 17 mars 2024.

[Français]

Je crois sincèrement qu’une prorogation d’un an de l’exclusion relative à la maladie mentale est nécessaire. Cette prorogation temporaire permettrait d’assurer une évaluation et une prestation sécuritaire de l’aide médicale à mourir dans ces circonstances. Le délai nous permettrait de préparer le système de santé adéquatement en nous accordant plus de temps pour la diffusion, l’apprentissage et l’application des ressources clés dans le milieu médical et la communauté des soins infirmiers.

Une telle prorogation accorderait aussi au gouvernement fédéral plus de temps pour examiner attentivement le rapport final du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, qui a été déposé il y a seulement trois semaines, le 15 février 2023.

Ce rapport exhaustif et détaillé contient notamment des recommandations, ainsi que des précisions supplémentaires sur l’évaluation et la prestation de l’aide médicale à mourir, lorsque le seul problème médical invoqué à l’appui de la demande est une maladie mentale.

J’examine attentivement ces conclusions, conjointement avec les ministres de la Santé et de la Santé mentale et des Dépendances. Nous restons engagés à poursuivre le travail auprès de nos partenaires des provinces et des territoires pour veiller à ce que nos lois en matière d’aide médicale à mourir respectent l’autonomie et la liberté de choix tout en protégeant les plus vulnérables.

Je veux être très clair. Le projet de loi C-39 ne propose pas un recul relativement à l’admissibilité éventuelle à l’aide médicale à mourir (AMM) lorsque le seul problème médical invoqué à l’appui de la demande est une maladie mentale. Les législateurs, y compris ceux de cette Chambre, ont décidé il y a deux ans que l’admissibilité à l’AMM devrait être élargie de cette manière, et ce n’est pas quelque chose que j’ai l’intention de changer. Ce n’est donc pas ce qui est proposé dans le projet de loi C-39.

Cependant, je crois qu’il est nécessaire de prendre plus de temps pour assurer une évaluation et une prestation sécuritaires de l’AMM dans toutes les circonstances où la seule condition médicale est une maladie mentale.

La prorogation temporaire d’un an permettra d’établir un juste équilibre entre l’élargissement de l’admissibilité à l’AMM le plus rapidement possible, et de veiller à ce que cela soit fait de façon prudente et mesurée. Je suis persuadé qu’un an sera suffisant pour la diffusion et l’utilisation des ressources essentielles par le milieu médical et la communauté des soins infirmiers afin que le système de santé soit prêt.

Pendant ce temps, le gouvernement fédéral examine attentivement les rapports importants comme celui du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir.

Je serai maintenant ravi de répondre à vos questions.

Merci.

La présidente : Merci, monsieur le ministre.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Mes questions s’adressent au ministre Lametti, du moins, pour commencer.

Monsieur le ministre, je suis très peiné de vous entendre nous dire que, même si au cours de la prochaine année vous trouvez des raisons indiquant que ce n’est aucunement la voie à suivre, vous n’aurez pas l’ouverture d’esprit de dire qu’il est toujours possible d’apporter des changements ou de faire la bonne chose. Vous direz plutôt que votre décision est déjà prise. Peu importe l’information que l’on vous fournira au cours de la prochaine année, vous maintiendrez le cap.

Monsieur le ministre, il n’y a aucun consensus chez les experts pour dire qu’il y a une manière sûre d’élargir l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale qui n’ont aucune autre affection sous-jacente. Le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir a entendu de nombreux psychiatres chevronnés et ils ont tous, sans équivoque, affirmé qu’il n’y a aucun moyen de vérifier le caractère irrémédiable d’un trouble mental, pas plus qu’il est possible de faire clairement la distinction entre l’intention suicidaire et une demande légitime d’aide médicale à mourir.

Monsieur le ministre, le plus récent sondage de l’Association des psychiatres du Canada indique que moins de la moitié des psychiatres canadiens appuient l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes d’une maladie mentale. Par ailleurs, selon un sondage de l’Ontario Medical Association, cette initiative récolte encore moins d’appuis chez les professionnels de la santé.

Monsieur le ministre, quand les professionnels de la santé et les experts n’arrivent pas à un consensus sur la manière sûre d’agir, pourquoi votre gouvernement continue-t-il d’envisager cet élargissement radical? Pourquoi le gouvernement n’écoute-t-il pas les experts en abandonnant tout simplement cette politique, surtout dans la mesure où les conséquences de se tromper sont si tragiques?

(1500)

M. Lametti : Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le sénateur, je m’inscris en faux contre la plupart de vos affirmations.

Tout d’abord, il s’agit d’une loi qui a déjà été adoptée. Nous ne faisons que retarder temporairement sa mise en œuvre. Il serait irrespectueux de la part des deux Chambres du Parlement, et en particulier de la part de cette honorable Chambre, sénateur Plett, de faire volte-face et de revenir sur ce qu’elle a fait il y a seulement deux ans, compte tenu de l’expertise dont a fait preuve le comité sénatorial.

De plus, je conteste très vivement votre évaluation des informations qui circulent. Le comité d’experts qui s’est penché sur la question nous a fourni un très bon ensemble de lignes directrices qui ne sont pas seulement réalisables, mais, je pense, extrêmement efficaces pour garantir que les seuls cas de troubles mentaux admissibles à l’aide médicale à mourir sont ceux pour lesquels il existe un parcours de longue date avec un psychiatre et pour lesquels toutes sortes de choses ont été essayées et ont échoué. Il s’agit d’un très petit nombre de personnes.

Il y a donc beaucoup de désinformations qui circulent. Je soutiens humblement que certains des rapports et des sondages dont vous parlez, sont...

Le sénateur Plett : Monsieur le ministre, je...

M. Lametti : Laissez-moi répondre à la question s’il vous plaît.

La présidente : Sénateur Plett, veuillez laisser le ministre répondre.

Le sénateur Plett : Monsieur le ministre, j’ai 10 minutes pour parler de ce que je veux.

M. Lametti : Je veux mentionner, s’il vous plaît...

La présidente : Vous avez posé une question; le ministre est en train d’y répondre.

M. Lametti : Je vais achever ma réponse, monsieur le sénateur.

Plusieurs des études auxquelles vous faites allusion sont basées sur cette désinformation : l’idée que nous autoriserons l’aide médicale à mourir en cas d’idées suicidaires. Ce n’est manifestement pas le cas ici. Il est question ici de patients atteints de troubles psychiatriques depuis longtemps et suivis par un psychiatre.

La présidente : Sénateur Plett, nous en sommes à quatre minutes. Il vous reste une minute, si vous voulez laisser cinq minutes à la sénatrice Batters.

Le sénateur Plett : Encore une fois, madame la présidente, nous partagerons notre temps comme nous l’entendons. Lorsque j’aurai terminé, elle sera la deuxième ou la troisième sur notre liste, et elle prendra le reste du temps de parole que je n’aurai pas utilisé. Merci.

Monsieur le ministre, je suis désolé de vous entendre dire que c’est acceptable puisque seul un petit nombre de personnes serait touché si nous faisons mal les choses. À mon avis, ce ne l’est pas : une seule personne, c’est encore une de trop.

Monsieur le ministre, je souhaite aborder la notion du caractère irrémédiable. L’ensemble de notre régime d’aide médicale à mourir est fondé sur le principe selon lequel la maladie invoquée doit être grave et irrémédiable, comme l’a établi la Cour suprême. Laisser entendre qu’il existe un consensus scientifique sur la capacité de prédire l’évolution d’une maladie mentale serait grossièrement trompeur. Plusieurs témoins ont déclaré à un comité mixte que ce n’était pas possible. Le Dr Sonu Gaind, ancien président de l’Association des psychiatres du Canada, a déclaré au comité :

[...] la loi ne dit pas que les problèmes de santé graves et irréversibles doivent faire l’objet d’une décision d’ordre éthique. Ce doit être une décision scientifique. À ce sujet, il ne fait aucun doute qu’il est impossible de faire des prédictions lorsqu’il s’agit de maladie mentale.

Même le groupe d’experts du gouvernement a déclaré dans son rapport qu’il est difficile, voire impossible, pour les cliniciens de faire des prédictions précises sur l’avenir d’un patient donné.

Monsieur le ministre, voici ma question, et j’aimerais avoir une réponse brève. En ce qui concerne le caractère irrémédiable, les cliniciens ne peuvent pas savoir s’ils se trompent dans 2 % ou dans 90 % des cas. Selon vous, monsieur le ministre, quel pourcentage serait acceptable, et si on ne peut pas garantir qu’on pourra respecter les deux seuls critères prévus comme mesure de sauvegarde, soit le caractère « grave » et « irrémédiable » du problème de santé, alors quelle est l’utilité des autres mesures de sauvegarde?

M. Lametti : Sénateur, avant de donner la parole à mon collègue le ministre Duclos, j’aimerais dire que le comité d’experts a établi de bonnes balises sur le caractère irrémédiable, alors s’il y a le moindre doute quant au caractère irrémédiable, la personne concernée ne sera pas admissible à l’aide médicale à mourir.

L’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre de la Santé : Je vous remercie d’avoir parlé du comité d’experts. Je vais résumer ce qu’il a dit.

Le comité d’experts a fait plusieurs recommandations pour aider les évaluateurs du régime d’aide médicale à mourir à rendre une décision sur le caractère incurable de la maladie mentale lorsque c’est le seul problème de santé invoqué par la personne. Il s’agit notamment de se pencher sur les tentatives de traitement et leurs résultats ainsi que sur la gravité du problème de santé. Le comité a aussi recommandé que les évaluateurs obtiennent des renseignements supplémentaires, ce qui inclut l’examen des dossiers médicaux, les évaluations antérieures relatives à l’aide médicale à mourir et les discussions avec les membres de la famille ou les proches. Comme dans le cas de bien d’autres maladies chroniques, le caractère incurable du trouble mental ne peut pas être établi sans qu’on ait tenté plusieurs interventions à des fins thérapeutiques.

En ce qui concerne le caractère irréversible de la maladie mentale, le comité a indiqué que les évaluateurs du régime d’aide médicale à mourir devraient établir le caractère irréversible en s’appuyant sur les interventions tentées qui sont conçues pour améliorer le fonctionnement, y compris les mesures de réadaptation et de soutien reconnues qui ont été prises jusqu’à ce jour, les résultats de ces interventions et la durée du déclin.

Enfin, comme le ministre Lametti l’a dit, si les évaluateurs ne peuvent pas établir le caractère irrémédiable, alors la personne concernée ne sera pas jugée admissible à l’aide médicale à mourir.

Le sénateur Plett : Je céderai le reste de mon temps de parole à la sénatrice Batters lorsque son tour viendra.

La sénatrice Batters : Monsieur Duclos, lors de la campagne électorale de 2021, le programme électoral des libéraux promettait d’établir et de financer le Transfert canadien en matière de santé mentale, qui représente un engagement de 4,5 milliards de dollars sur cinq ans. Selon la ventilation des coûts de ce programme électoral, le gouvernement aurait déjà dû investir 1,5 milliard de dollars dans les soins de santé mentale, mais, en réalité, il n’a pas dépensé un seul sou.

Le système de soins de santé mentale du Canada est en pleine crise. Les Canadiens souffrant de maladies mentales doivent attendre plusieurs mois, voire plusieurs années, pour obtenir un traitement psychiatrique. Voilà maintenant que le gouvernement Trudeau s’apprête à proposer le suicide assisté à des personnes vulnérables souffrant de maladies mentales qui ont l’impression de n’avoir aucune autre option, au lieu d’investir et de leur offrir un traitement ou de l’espoir.

Pourquoi le gouvernement ne respecte-t-il pas cet engagement majeur en matière de santé mentale? Pourquoi le gouvernement offre-t-il la mort au lieu d’un traitement aux Canadiens atteints de maladie mentale?

M. Duclos : En fait, non seulement nous ne rompons pas cette promesse, mais nous la renforçons. Vous avez probablement suivi la récente annonce faite par le premier ministre, il y a quelques semaines, dans une lettre faisant état d’accords de principe conclus avec la plupart des provinces et des territoires, c’est-à-dire 11 sur 13, qui sont assortis d’un investissement supplémentaire de 200 milliards de dollars de fonds fédéraux au cours des 10 prochaines années. Ces sommes s’ajoutent au Transfert canadien en matière de santé et aux points d’impôt déjà transférés aux provinces et aux territoires au cours de la dernière décennie.

Il s’agit de sommes très importantes.

Il s’agit notamment de 2,5 milliards de dollars par année au cours des prochaines années, ce qui est évidemment beaucoup plus important que le chiffre que vous avez avancé plus tôt. Ces fonds seront investis en partie pour procurer un meilleur accès aux soins de santé mentale, parce que nous savons que la santé mentale fait partie de la santé dans son ensemble, mais aussi pour procurer un meilleur accès aux soins primaires, parce que, pour la plupart des Canadiens qui nous écoutent, les soins primaires procurent un accès direct aux soins de santé mentale par la voie des psychologues, des psychiatres et des travailleurs sociaux.

Il s’agit là d’investissements majeurs. Par-dessus tout, nous pensons qu’ils permettront aux Canadiens d’obtenir de meilleurs résultats pour l’ensemble des soins de santé, y compris pour les soins de santé mentale.

Le sénateur Kutcher : Messieurs les ministres, je vous remercie d’être ici aujourd’hui. Nous vous en sommes reconnaissants.

La désinformation en matière de santé est devenue une importante préoccupation depuis l’arrivée de la COVID. Dans le cadre de votre travail, avez-vous relevé des renseignements erronés qui sont fréquemment propagés au sujet de l’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est le seul problème médical invoqué? Si oui, quel en était l’objet et quelles mesures sont prises pour les contrer?

M. Lametti : Je vous remercie de la question, monsieur le sénateur. Il est juste de dire que nous en avons déjà entendu. Le principal exemple de désinformation dans ce cas en particulier, c’est de dire qu’une personne qui est suicidaire, déprimée ou anxieuse pourra avoir recours à l’aide médicale à mourir. Ce n’est tout simplement pas le cas.

Comme l’indiquent les lignes directrices données dans le rapport du groupe d’experts, la personne type ayant recours à l’aide médicale à mourir, dont un trouble mental serait le seul problème médical invoqué, recevrait les soins d’un psychiatre depuis une longue période — des années, voire une décennie ou plus — et aurait essayé toutes les possibilités offertes, de sorte qu’elle serait en mesure de prendre une décision et de faire ce choix.

Si une personne est en crise aiguë ou si elle envisage le suicide, elle devrait demander de l’aide.

Comme le ministre Duclos vient de le souligner, nous essayons de travailler avec les provinces pour accroître l’offre de ces services. Cela dit, il est tout simplement hors de question qu’une personne reçoive l’aide médicale à mourir si elle est déprimée, anxieuse ou suicidaire. C’est le genre d’argument qui est avancé, je crois, pour des raisons principalement idéologiques ou pour faire machine arrière sur l’ensemble de la dernière série de réformes sur l’aide médicale à mourir, ce qui implique également un objectif politique.

(1510)

Le comité d’experts nous a fourni une très bonne feuille de route qui nous permettra de poursuivre notre travail. Notre objectif est de présenter des informations réelles et factuelles et de donner aux provinces, aux territoires et aux universités le temps d’assimiler les informations contenues dans le rapport d’experts et d’élaborer les modules et le matériel didactique nécessaires pour que nous soyons tous sur la même longueur d’onde d’ici un an au plus tard.

La sénatrice Jaffer : Je remercie les deux ministres d’avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd’hui.

Monsieur Lametti, comme vous le savez, nous vous disons depuis de nombreuses années que vous avez battu le record des ministres pour ce qui est des rapports d’analyse comparative entre les hommes et les femmes. J’ai écrit à votre bureau avant que vous ne veniez ici pour demander si ce rapport serait produit. L’avez‑vous ici ou allez-vous le produire plus tard?

M. Lametti : J’en ai une copie ici, mais il sera produit en précisant qu’il sera similaire à l’analyse de la violence fondée sur le sexe.

Le sénateur Downe : La motion approuvée par le Sénat concernant le comité plénier d’aujourd’hui était très précise et limitée. Elle porte sur le projet de loi C-39. Toute autre question devrait être jugée irrecevable. Je suis prêt à entrer dans les détails abrutissants du Règlement au besoin, mais autrement, nous devrions nous en tenir au sujet qui nous occupe.

La présidente : Je suis d’accord avec vous, sénateur. Honorables sénateurs, je vous prie de limiter vos questions à l’objet du débat, à savoir le projet de loi C-39.

La sénatrice Jaffer : Il s’agit d’une question relative au projet de loi C-39, afin de voir comment le projet de loi a été adopté. Je pense donc bien respecter le sujet.

La présidente : C’est entendu.

La sénatrice Jaffer : Monsieur le ministre, dans le dernier projet de loi, nous avions parlé de toutes les données différentes qui avaient été recueillies sur la race et les handicaps. Recueille-t-on aussi ce même genre de données pour le projet de loi actuel, et comment procédera-t-on à l’avenir?

M. Lametti : Le ministre Duclos voudra peut-être nous en dire plus long sur ce sujet, mais nous commençons à recevoir ces données. Depuis le début de janvier, nous commençons à obtenir de meilleures données grâce au projet de loi C-7. Espérons que cela nous permettra de recueillir de meilleures données désagrégées sur l’aide médicale à mourir.

M. Duclos : Précisément! Au fil du temps, la quantité de données augmente et elles sont de meilleure qualité. C’est en partie grâce au fait que, le 1er janvier, de nouveaux règlements sont entrés en vigueur. Ceux-ci permettent de recueillir davantage de données sur les personnes qui demandent l’aide médicale à mourir, sur les raisons de leur demande et sur le processus suivi. Je parle ici de données désagrégées portant, entre autres, sur le sexe, l’administration de l’aide médicale à mourir, le processus à l’origine du refus et du résultat final. Il y a aussi les facteurs sous‑jacents, y compris les facteurs médicaux, qui pourraient mener à une demande ou, parfois, à une offre d’aide médicale à mourir.

Le sénateur Loffreda : Bienvenue, messieurs les ministres. Ma question s’adresse au ministre Duclos. Certains craignent qu’autoriser l’aide médicale à mourir en dehors du contexte de fin de vie rende celle-ci trop facilement accessible à ceux qui souffrent d’un trouble de santé mentale, surtout s’ils ne peuvent pas accéder à tous les soins disponibles. Pouvez-vous confirmer que les professionnels de la santé, les psychiatres en particulier, conviennent que l’incurabilité et l’irréversibilité doivent être au cœur de l’évaluation psychologique qui leur permettra de déterminer l’admissibilité? Comment envisagez-vous de normaliser ces deux critères?

M. Duclos : Merci. La réponse à cette question comporte deux éléments. Premièrement, comme je l’ai mentionné plus tôt, si les évaluateurs ne peuvent établir le caractère irrémédiable ou incurable du problème de santé d’un patient, ce dernier ne peut pas obtenir l’aide médicale à mourir. Deuxièmement, une autre condition à l’obtention de l’aide médicale à mourir est que le patient doit s’être vu offrir une aide sociale et médicale pertinente et suffisante pendant une période prolongée.

Nous savons que la question soulève des préoccupations qui sont dans l’ensemble légitimes, même si c’est parfois parce que les personnes sont mal renseignées. On s’interroge sur ce qui arrivera si une personne n’a pas accès à un logement ou à des soins de santé mentale. Dans ce cas, la personne ne peut pas obtenir l’aide médicale à mourir parce que nous devons plutôt l’aider et lui fournir toute l’aide dont elle a besoin et qu’elle mérite d’avoir pour vivre pleinement sa vie, comme une aide au logement, un soutien du revenu, des programmes d’aide sociale et un suivi médical. Voilà ma réponse abrégée à votre importante question.

Le sénateur Loffreda : Merci pour cette réponse. J’aimerais que vous nous en disiez un peu plus, compte tenu de ce que nous entendons, car il y a beaucoup de mésinformation et de désinformation. Cela dit, je reconnais qu’il existe une divergence d’opinions parmi les professionnels de la santé. Pourriez-vous nous dire dans quelle mesure nous pouvons affirmer qu’ils finiront par s’entendre sur la nécessité du projet de loi?

M. Duclos : Une des raisons pour lesquelles les évaluateurs et les experts reconnaissent qu’il est difficile d’établir la nature irrémédiable d’une maladie est que les personnes sont toutes très différentes les unes des autres. Il faut donc y aller au cas par cas. Comme nous l’avons dit, et je crois qu’il faut le répéter sans cesse afin de mettre fin à la mésinformation, si l’on ne peut pas établir la nature irrémédiable de la maladie d’une personne, cette personne ne sera pas admissible à l’aide médicale à mourir. Des psychiatres et d’autres personnes font valoir qu’il est parfois difficile d’établir la nature irrémédiable d’une maladie; c’est vrai, mais si elle ne peut pas être évaluée ou confirmée, le demandeur ne recevra pas l’aide médicale à mourir.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Lametti, dans le dossier de l’aide médicale à mourir, votre gouvernement donne toujours l’impression qu’il cherche par tous les moyens soit à ne pas agir ou encore à retarder le plus possible la mise en place des règles qui lui sont pourtant dictées par la Cour suprême ou par ses propres experts.

Je vous dirais que cela fait près de 10 mois que vous avez reçu les recommandations de votre groupe d’experts sur la modification de cette loi pour les personnes atteintes de troubles mentaux. Vous saviez que vous aviez deux ans pour agir dans ce dossier, soit jusqu’au 17 mars prochain. Cela vous a quand même pris de mai à décembre, soit sept mois, pour finalement accoucher d’une demande de délai supplémentaire. Entre vous et moi, sept mois pour prendre une telle décision, on pourrait dire que c’est inconcevable, surtout pour les personnes souffrantes qui attendent après vous.

J’aimerais que vous nous expliquiez la lenteur systémique qui vous caractérise depuis 2015 dans le dossier de l’aide médicale à mourir. Qui ou quoi vous empêche de procéder plus rapidement?

M. Lametti : Merci, sénateur, pour cette question très importante.

Évidemment, ce sont des questions qui sont souvent très personnelles et difficiles à répondre sur le plan moral et éthique. Il y a eu la pandémie, qui a ralenti la mise en œuvre de la loi. Nous avons promulgué la loi, il y a deux ans. À l’époque, nous pensions que nous avions suffisamment de temps pour élaborer l’encadrement de la loi en matière de troubles mentaux.

Le Groupe d’experts sur l’AMM et la maladie mentale a fait un travail formidable, mais la création des modules et du matériel didactique dans les universités — dans les facultés de médecine partout au Canada — a été ralentie, entre autres en raison de la pandémie. Nous étions d’avis qu’il était plus prudent de ralentir le processus afin de donner le temps nécessaire à tous pour être sur la même longueur d’onde.

Il s’agit d’un processus. Nous procédons étape par étape avec la population canadienne. Nous procédons au même rythme que le peuple canadien.

Le sénateur Dagenais : Merci.

Je vais confier le reste de mon temps de parole à la sénatrice Wallin.

(1520)

[Traduction]

La sénatrice Wallin : À l’évidence, le délai prévu dans le projet de loi C-39 a, pour bien des gens, ouvert la porte aux efforts visant à contester l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes qui ne sont pas atteintes de maladies mentales. Avez-vous un plan? Prévoyez-vous être plus présent dans l’espace public? Allez-vous affirmer plus clairement votre appui à l’aide médicale à mourir? Quelles garanties pouvez-vous donner à la population que le délai prévu dans le projet de loi C-39 n’aura pas d’impact sur l’accès pour les centaines de personnes qui attendent un signal clair?

M. Duclos : Je vous remercie de votre question. Pour revenir sur la question précédente, j’ajouterais que certains experts considèrent que, avec la prolongation adoptée il y a deux ans, nous aurions pu procéder en mars cette année. Cependant, en raison de la prudence à laquelle mon collègue a fait référence plus tôt, comme nous venons de recevoir les rapports du comité parlementaire sur l’aide médicale à mourir il y a quelques semaines et que nous voulions donner plus de temps aux gens pour accéder au matériel produit — la version préliminaire est déjà avancée et la version finale sera prête au cours de 2023 —, nous voulions que les normes de pratique soient bien connues et facilement accessibles. Ces normes seront disponibles dans les prochaines semaines. Comme nous souhaitons que la réglementation et l’information à son sujet soient de plus en plus faciles à trouver, nous étions d’avis qu’une année de plus serait souhaitable.

C’est vrai qu’il s’agit d’un processus. Les gens qui souffrent depuis de nombreuses années nous écoutent et trouvent probablement, à leur grand désarroi, que les choses ne vont pas aussi vite qu’ils l’auraient voulu.

M. Lametti : Tout d’abord, sénatrice Wallin, je vous remercie pour ce que vous avez fait dans ce dossier. Je suis d’accord avec vous pour dire que bien que certains seront déçus de cette décision, nous pensons qu’il s’agit de la voie la plus prudente à suivre. Nous ne reculons sur rien d’autre.

Les chiffres qui commencent tout juste à être disponibles indiquent que dans la grande majorité des cas, il s’agit de situations de fin de vie. Si je me souviens bien, selon les chiffres que j’ai vus, 500 cas sur 10 000 ne sont pas des cas de fin de vie. Cela ne représente qu’une fraction d’un point de pourcentage. Lorsque nous disposerons de données plus précises et mieux ventilées, je pense que nous pourrons assurer aux Canadiens qui se montrent sceptiques à l’égard de l’aide médicale à mourir, et qui sont enclins à croire la désinformation, qu’il s’agit en réalité de renforcer l’autonomie des personnes afin qu’elles puissent vivre et mourir dans la dignité, dans certaines circonstances et à certaines conditions. Il s’agit seulement d’un délai d’un an et nous ne reculons pas sur quoi que ce soit d’autre.

La sénatrice Wallin : En ce qui concerne le point que vous avez soulevé au sujet de la COVID, qui, comme vous l’avez laissé entendre, explique ce délai, je dirais plutôt que celle-ci a permis au système de s’assouplir en permettant le recours accru à la technologie pour mieux communiquer.

Pouvez-vous garantir ce type d’accès à la technologie aux personnes qui cherchent à obtenir conseil ou pour que les évaluateurs de l’aide médicale à mourir puissent continuer à employer cette technologie?

M. Duclos : En effet, des progrès importants ont été réalisés en raison de la COVID-19. Bien entendu, je ne veux pas insinuer que la COVID-19 a été une bonne chose. Elle a porté un préjudice énorme non seulement aux travailleurs de la santé, mais aussi aux patients qui attendent depuis des années des interventions chirurgicales et des diagnostics. Comme vous l’avez fait remarquer, si la COVID-19 a eu un aspect positif, c’est qu’elle a permis de favoriser considérablement l’accès aux soins virtuels ainsi que le recours à des procédés et à des technologies numériques, ce qui a eu pour effet d’améliorer la qualité et la fiabilité des soins. Nous pensons que l’accès à l’information en général — et l’accès à la technologie en particulier —, favorisera l’accès à tous les types de soins, notamment les soins palliatifs, les soins à domicile, les soins communautaires, l’aide médicale à mourir et, essentiellement, aux soins primaires, qui sont la pierre angulaire du système de santé canadien.

La sénatrice Wallin : J’aimerais revenir sur ce que je disais au départ au sujet d’une campagne. Nous avons déjà eu cette discussion dans le passé. Tous les fournisseurs de soins, tous les évaluateurs de l’aide médicale à mourir et surtout les gens qui se préoccupent de la question de la maladie mentale, mais pas seulement eux, ont déclaré qu’il faut tenir un débat public beaucoup plus vaste à ce sujet. D’autres ont laissé entendre que le gouvernement n’avait pas été assez proactif et franc dans ce dossier. À ce sujet, serait-il possible que le gouvernement en général — et pas seulement les ministres, comme les deux qui sont ici aujourd’hui — fasse davantage preuve de leadership dans ce dossier?

M. Lametti : Merci, sénatrice. Je comprends ce que vous dites. Je partage en partie votre opinion. En travaillant avec le ministre Duclos — et je vois le sous-ministre Lucas derrière moi —, avec l’information à notre disposition et avec ces gens, je crois que nous y parviendrons.

La présidente : Il vous reste une minute.

La sénatrice Wallin : Je ne vais pas l’utiliser. Merci.

[Français]

Le sénateur Cardozo : Merci, messieurs les ministres Lametti et Duclos, d’être parmi nous pour cet important débat. J’ai deux questions à vous poser.

Ma première question est la suivante : lorsque le gouvernement a décidé de demander un délai, avez-vous envisagé un délai plus court, de six mois par exemple?

[Traduction]

M. Lametti : Merci de la question, monsieur le sénateur. La réponse est simple, c’est oui. Comme le ministre Duclos l’a mentionné, le groupe d’experts dirigé par la Dre Gupta a estimé que nous serions prêts à aller de l’avant plus tard ce mois-ci. Cependant, certaines facultés de médecine partout au Canada ainsi que des groupes, provinces et territoires ont soulevé des questions et ont affirmé ne pas être prêts. Le ministre Duclos et moi avons eu diverses discussions, notamment avec des sénateurs qui siègent dans cette vénérable enceinte, de même qu’avec d’autres parlementaires et experts de partout au Canada, concernant un délai de six mois ou de neuf mois. En fin de compte, pour être parfaitement honnête, on a estimé qu’un délai sûr serait de six à neuf mois. Par mesure de sécurité, le gouvernement a opté pour un délai d’un an, pour être certain que tous les intervenants du Canada, c’est-à-dire le corps médical, les provinces et les territoires, soient sur la même longueur d’onde et prêts à passer à la prochaine étape en même temps. Ce délai nous donnera suffisamment de temps pour que tous soient prêts au même moment.

Le sénateur Cardozo : Ma deuxième question est peut-être un peu plus philosophique. Je la pose en sachant que lorsqu’il est question de l’aide médicale à mourir, il n’y a ni bonne ni mauvaise réponse. Nous devons respecter le point de vue de tous. En qualité de parlementaires, nous recevons tous des lettres de Canadiens qui demandent désespérément qu’il n’y ait pas de délai. D’autres soutiennent qu’il faudrait carrément interdire l’aide médicale à mourir. J’aimerais que vous nous aidiez à aborder la question. C’est un véritable défi pour nous, en qualité de législateurs. Qu’avez-vous à dire aux parlementaires que nous sommes et aux gens qui ne veulent pas de ce délai?

[Français]

M. Duclos : Vous avez raison; c’est une question très intime, très difficile et très complexe qui va nous chercher très loin.

Évidemment, par définition, toutes les questions liées à la vie et à la mort sont centrales à la vie humaine. Il est normal que nous soyons partagés, du moins au départ, lorsque nous réfléchissons à ces questions, surtout dans une société qui continue d’évoluer. De plus en plus, les gens veulent à la fois profiter d’une qualité de vie, mais aussi maintenir une certaine autonomie. Ils veulent aussi qu’on respecte leurs choix, peu importe les choix qu’ils veulent faire dans leur vie. Ce sont parfois des choix qu’ils font sur le plan de l’identité personnelle, des choix liés à des convictions religieuses et autres, des choix liés au mode de vie et des choix sur la façon de terminer leur vie; on sait tous que la vie va se terminer un jour, d’une manière ou d’une autre.

Ce sont des questions très personnelles et très difficiles dont vous traitez avec beaucoup de soin dans cette Chambre. Le travail que vous faites n’est pas facile. Vous faites un travail semblable à celui de l’autre endroit, soit celui d’essayer de rassembler des gens et des points de vue qui, au départ — presque par définition —, sont éloignés les uns des autres.

Par conséquent, j’aimerais vous encourager à continuer. Je pense à tous les députés et aux sénateurs en particulier qui ont siégé au sein du comité. Je pense à Marc Garneau, le président du comité, qui a annoncé son départ aujourd’hui. Marc a retardé jusqu’à aujourd’hui son départ de la vie politique. Il aurait pu partir plus tôt. À son âge et après avoir tant donné au Canada, il aurait pu nous quitter plus rapidement, mais ce qu’il m’a dit au caucus du Québec ce matin — et David était présent lui aussi —, c’est qu’il tenait à être là jusqu’à la fin. Il trouvait que c’était un travail important qu’il avait fait avec quelques-uns d’entre vous ici au Sénat, et il souhaitait le faire jusqu’à la fin.

(1530)

La sénatrice Bellemare : En ce qui a trait aux délais qui sont demandés dans le projet de loi C-39, que fera votre gouvernement entre-temps pour soulager les souffrances des personnes qui souffrent de maladie mentale? Allez-vous notamment accepter d’accorder plus d’exemptions au titre de l’article 56 et prévoir un accès réel aux thérapies assistées par la MDMA et la psilocybine?

M. Lametti : Merci de la question. Je suis de tout cœur avec les personnes qui souffrent et qui attendaient le 17 mars 2023; je leur transmets ma sympathie la plus profonde dans cette situation. Honnêtement, nous n’avons pas envisagé de mesures temporaires. Il s’agit d’un an seulement; je sais qu’il s’agit d’un an où certaines personnes vont continuer de souffrir et, comme je l’ai dit, c’est quelque chose qui me préoccupe, mais je crois qu’on doit avoir la certitude que la loi sera réellement mise en œuvre dans un an. Pendant ce temps, on doit se concentrer sur la mise en œuvre de la loi.

La sénatrice Bellemare : C’est tout, merci.

Le sénateur Dalphond : Bienvenue au Sénat, messieurs les ministres. Je comprends l’inquiétude de certains. En autorisant l’accès à l’aide médicale à mourir pour des raisons de maladie mentale, le Canada s’inscrit dans une mouvance qui n’est pas généralisée partout dans le monde, même s’il existe des pays qui le permettent, comme les Pays-Bas.

La professeure Donna Stewart, de l’Université de Toronto, a témoigné devant le comité mixte spécial de la Chambre des communes et du Sénat. Elle a dit qu’elle avait étudié les statistiques des 20 dernières années aux Pays-Bas en ce qui concerne l’accès à l’aide médicale à mourir pour des raisons de maladie mentale et elle a noté qu’en 2020, 95 % des demandes avaient été rejetées. Elle a aussi souligné que les bénéficiaires de l’aide médicale à mourir souffrant uniquement de maladie mentale représentaient 1,3 % du total des personnes qui ont reçu l’aide médicale à mourir. Je présume que ces chiffres sont connus du gouvernement et que vous vous attendez à ce que l’expérience du Canada soit semblable. La réalité, c’est que ce ne sera pas facile à obtenir et que le nombre sera réduit.

M. Duclos : Oui, parce que l’important, c’est de prendre soin des gens. La protection des personnes vulnérables est l’objectif primordial, l’objectif fondamental de tout ce que fera le gouvernement. Nous avons la chance de faire ce que vous faites aussi, et c’est notre objectif dans la vie, soit d’aider les gens à mieux vivre. Cela explique que toutes les conditions imposées en ce qui concerne l’accès à l’aide médicale à mourir ont pour but de s’assurer que les gens ont reçu tout le soutien social, économique et médical nécessaire pour vivre une vie pleine et entière jusqu’à une fin naturelle.

Toutefois, comme vous l’avez dit, il existe des circonstances terribles où, durant des années et des décennies, comme le ministre Lametti l’a dit aussi, des gens vivent dans des souffrances incroyables et intolérables, des souffrances qui ne peuvent pas être réduites, qui sont irrémédiables et qui ne sont aucunement allégées par quelque forme de traitement que ce soit. Ces gens sont tout à fait capables de choisir et peuvent donner un consentement éclairé et informé. Ces gens veulent être autonomes jusqu’à la fin de leur vie, et c’est dans ces rares cas que l’accès à l’aide médicale à mourir serait octroyé et sera octroyé ici au Canada, comme c’est le cas dans d’autres pays qui le font déjà.

Le sénateur Dalphond : La recommandation no 13 du rapport du comité mixte spécial stipulait que, cinq mois avant mars 2024, il faudrait reconstituer le comité pour s’assurer que les mesures requises ont été mises en place, que les provinces et les territoires sont prêts et que les formations et les lignes directrices sont prêtes. Êtes-vous d’accord avec cette proposition?

M. Lametti : On vient de recevoir le rapport et on l’a lu, évidemment. Je remercie la sénatrice Martin et notre collègue l’honorable Marc Garneau de leur travail, ainsi que les membres du comité. Je dois dire que, personnellement, je ne suis pas contre la recommandation. Comme je l’ai déjà souligné, je suis assez sûr que nous serons en bonne position, dans six ou sept mois, pour que le comité puisse revoir la question.

[Traduction]

La sénatrice Batters : Monsieur le ministre, l’analyse comparative entre les sexes visant le projet de loi C-39 a donné des résultats accablants. Elle révèle que les femmes seront disproportionnellement affectées par l’élargissement du suicide assisté aux personnes souffrant de maladie mentale. Voici ce qu’on peut lire dans l’analyse :

On peut s’attendre à ce que, si l’AMM était mise à la disposition des personnes dont l’unique trouble est une maladie mentale au Canada, nous constations une augmentation du nombre de femmes qui demandent l’AMM pour des souffrances psychiatriques et à un âge plus jeune.

Comme on l’a vu dans les pays du Benelux, des décès par aide médicale à mourir ont été controversés, et les auteurs de l’analyse notent qu’on « peut s’attendre à des cas similaires au Canada si les critères d’admissibilité étaient semblables ».

L’analyse révèle que, à l’heure actuelle, les hommes sont trois fois plus susceptibles de mener leur suicide jusqu’au bout. Cependant, avec l’avènement du suicide assisté — une méthode de suicide qui réussit à tout coup —, il pourrait y avoir autant de femmes que d’hommes qui réussissent leur suicide. Or, ce n’est pas exactement le genre d’égalité entre les sexes que nous souhaitons.

Monsieur le ministre, en cette Journée internationale des femmes, pourriez-vous nous dire pourquoi, en dépit de ces terribles mises en garde, le gouvernement met la vie des Canadiennes à risque en allant de l’avant avec cet élargissement du suicide assisté?

M. Lametti : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice. Je comprends le raisonnement qui sous-tend votre question et je reconnais la sincérité avec laquelle vous la posez.

Comme l’a indiqué mon collègue le ministre Duclos, l’expérience dans les pays du Benelux a démontré qu’un très faible pourcentage de demandeurs de l’aide médicale à mourir avaient une maladie mentale comme seule condition médicale sous-jacente. Nous nous attendons à ce qu’il en soit de même au Canada. Les lignes directrices qui seront mises en place — qui ont été recommandées par le comité d’experts — sont très strictes. Elles ne permettront pas l’acceptation d’un grand nombre de demandes.

Pour ce qui est de la différence entre les hommes et les femmes, nous mettons l’accent sur l’autonomie du demandeur — lorsqu’il répond aux critères ou qu’il peut le faire. Dans un nombre très limité de cas — une infime fraction des cas —, si un demandeur répond aux critères, nous lui donnons la capacité de décider de mettre fin à ses souffrances si c’est son souhait. Nous estimons que c’est un élément important de l’aide médicale à mourir.

Néanmoins, ce sont des situations épineuses, comme vous le savez.

La sénatrice Batters : Monsieur Lametti, en tentant de vendre aux Canadiens le concept de l’aide médicale à mourir pour des motifs psychiatriques, vous avez parfois laissé entendre que l’élargissement de l’aide au suicide à des personnes ayant une maladie mentale a été mandaté par les tribunaux. Comme vous le savez, monsieur le ministre, c’est inexact. Vous avez reçu récemment une lettre substantielle sur ce sujet, signée par de nombreux éminents professeurs de droit du Canada, qui affirment que ni l’affaire Carter ni l’affaire Truchon ne statue sur la constitutionnalité de l’élargissement de l’aide médicale à mourir pour des motifs psychiatriques, et qu’aucun des plaignants n’avait réclamé l’aide médicale à mourir pour des motifs psychiatriques.

Monsieur le ministre, si les tribunaux n’exigent pas l’élargissement de l’aide au suicide aux personnes ayant une maladie mentale, et qu’il ne peut être prouvé scientifiquement que la maladie mentale est irrémédiable, pourquoi êtes-vous, ainsi que le gouvernement, si déterminé à aller de l’avant?

M. Lametti : Merci de votre question, sénatrice Batters. Comme j’ai été professeur de droit la plus grande partie de ma vie adulte, je connais personnellement la plupart des signataires de la lettre.

En 2016, j’estimais que le régime initial d’aide médicale à mourir était inconstitutionnel, parce qu’il ne permettait pas l’accès à cette aide dans les cas où la personne n’est pas en fin de vie. Malheureusement, l’affaire Truchon m’a donné raison.

(1540)

Vous avez raison de dire que ni l’affaire Carter ni l’affaire Truchon n’a examiné directement la question de la maladie mentale comme unique raison pour satisfaire aux critères d’admissibilité. Toutefois, je suis convaincu que, à l’instar de ce qui s’est produit en 2016, les choses nous pousseront dans cette direction éventuellement. Beaucoup de sénateurs le pensaient aussi dans cette honorable enceinte il y a deux ans. C’est d’ailleurs l’une des raisons pourquoi le Sénat nous a dirigés dans cette direction avec l’ancien projet de loi C-7.

Madame la sénatrice, j’ai confiance que nous avançons sur la bonne voie, et ce, dans le respect des principes sur lesquels repose la Charte. Je pense qu’il est important de donner la possibilité aux Canadiens qui satisfont aux critères établis de pouvoir mettre fin à leur souffrance.

La présidente : Sénatrice Batters, il vous reste 30 secondes.

La sénatrice Batters : Je cède mon temps de parole à la sénatrice Martin.

La sénatrice Martin : Monsieur le ministre, vous avez dit que certaines écoles avaient soulevé des questions, mais je sais pertinemment que, en décembre, les directeurs des 17 écoles ont tous soulevé des préoccupations. Le projet de loi C-39 prévoit une prolongation d’un an, mais ce n’est pas beaucoup de temps quand on tient compte de l’immensité du Canada, des problèmes liés aux champs de compétence, ainsi que des grandes disparités entre les régions rurales et urbaines du pays. Malgré tous les efforts bien intentionnés, je crois que, dans un an, nous devrons envisager d’autres prolongations.

Monsieur le ministre, la population canadienne est elle aussi fort inquiète. En effet, selon un récent sondage Angus Reid, plus de la moitié des Canadiens s’opposent à l’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est le seul problème médical invoqué.

Étant donné que les experts ne s’entendent pas sur cette question et qu’elle ne jouit pas d’un vaste appui auprès des Canadiens, pourquoi le gouvernement ne dépose-t-il pas une mesure législative pour empêcher cet élargissement, au lieu de seulement le retarder d’un an? En fait, si le gouvernement est certain que nous obtiendrons, un jour, un consensus professionnel justifiant cet élargissement, pourquoi n’attend-il pas ce moment pour déposer une mesure législative l’autorisant? J’ai juste l’impression qu’un an ne sera pas suffisant.

M. Duclos : Je dirais d’abord que certaines personnes — vous les avez entendues — considèrent que nous pourrions être prêts d’ici la fin du mois. C’est que beaucoup de travail a été accompli au cours des deux dernières années, notamment grâce à vos efforts et à ceux de nombreux experts.

J’ajouterais que, comme le Canada est une fédération, nous savons que les provinces et les territoires ne sont pas nécessairement tous sur la même longueur d’onde pour l’ensemble des enjeux liés aux soins de santé et au système de santé en général. C’est correct, parce que, au sein d’une fédération, il faut respecter l’hétérogénéité et la responsabilité qui vient avec la compétence des provinces.

Cela dit, nous avons choisi la voie de la prudence. Les provinces qui ne sont pas prêtes n’ont pas à aller de l’avant. Les personnes qui ne sont pas admissibles n’auront pas accès à l’aide médicale à mourir. Les critères d’accès à l’aide médicale à mourir sont solides et stricts et comprennent, comme je l’ai mentionné plus tôt, le caractère irrémédiable du trouble de santé. Il n’est pas possible d’obtenir l’aide médicale à mourir si les conditions suivantes ne sont pas pleinement remplies : un déclin irréversible, un déclin avancé et progressif, des souffrances intolérables et un consentement éclairé continu.

Ces critères stricts protègent les personnes les plus vulnérables, comme vous l’avez souligné à juste titre, que nous devrions toujours avoir à l’esprit et défendre.

Je le répète, certains estiment que nous sommes déjà prêts. Nous le serons encore plus d’ici quelques mois grâce au programme de formation qui s’en vient, aux normes de pratique qui seront publiées dans quelques semaines, aux règlements en place et à la rétroaction issue de vos travaux et des travaux du comité parlementaire, auxquels de nombreux sénateurs ont contribué au cours de la dernière année.

La sénatrice Martin : Les différences entre les provinces ont également été portées à notre attention au comité.

En parlant des provinces, après une vaste consultation, l’Assemblée nationale du Québec a déposé le projet de loi 11 et, en fin de compte, reconnaissant l’absence de consensus chez les professionnels à ce sujet, a décidé de ne pas autoriser l’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d’une maladie mentale.

Comment cela fonctionnera-t-il sur le plan logistique? Si les critères d’admissibilité sont plus étroits au Québec, quel ensemble de critères les cliniciens du Québec devront-ils suivre? Comment empêcherez-vous les patients atteints d’un problème de santé mentale de faire appel à un médecin d’une autre province?

M. Lametti : Merci de votre question, madame la sénatrice. Tout d’abord, nous suivons attentivement le processus législatif au Québec, et nous attendrons de voir à quoi ressemble le projet de loi final après que le comité législatif aura fait son travail et que toutes les étapes du processus législatif auront été suivies.

À l’échelon fédéral, nous nous penchons sur le droit pénal pour fixer les paramètres — pour ainsi dire — de la responsabilité. Comme l’a souligné le ministre Duclos, les provinces disposent d’une certaine marge de manœuvre pour ce qui est des mesures qu’elles choisissent de mettre en œuvre. Par exemple, elles peuvent décider de ne pas permettre immédiatement l’accès à l’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est le seul problème médical invoqué.

Attendons de voir le résultat final de ce processus législatif. Cela va certainement nous éclairer. Les gouvernements fédéral et provinciaux — dans ce cas, le Québec — ont tout intérêt à harmoniser le plus possible leurs régimes afin de donner aux professionnels de la santé la certitude qu’ils respectent la loi et les paramètres légaux fixés.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Monsieur le ministre de la Justice, bienvenue au Sénat.

Vous l’avez dit, monsieur le ministre, la question de l’aide médicale à mourir est très grave. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, dont je fais partie, a considéré très sérieusement et entendu un nombre important de témoins lors de l’étude du projet de loi. L’autonomie de la personne qui prend une décision aussi importante pour elle et sa capacité de décider sont deux principes sous-jacents de ce qui figure maintenant dans le Code criminel et qui encadre cette pratique médicale. Je pense que ce sont des raisons pour lesquelles il est urgent que votre gouvernement aille de l’avant et envisage la possibilité pour une personne de formuler des directives anticipées. Il s’agit en effet d’une décision qui permet à cette personne de maintenir son autonomie et de préserver sa dignité, avant que sa capacité de décider soit annulée par une maladie.

Vous nous avez dit plus tôt que vous aviez deux raisons de demander le report de l’entrée en vigueur de la possibilité d’avoir accès à l’aide médicale à mourir sur la seule base qu’une personne souffre d’un trouble mental ou d’une maladie mentale. Donner plus de temps pour fixer les procédures et les mesures d’encadrement est une chose. Ce qui m’inquiète — et je voudrais avoir une précision de votre part, monsieur le ministre de la Justice —, c’est que vous avez dit que votre gouvernement avait besoin de plus de temps pour examiner le rapport qui a été soumis par le comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, comité formé de membres de la Chambre des communes et du Sénat.

Dans ce rapport, on traite d’au moins cinq sujets différents, dont celui des troubles mentaux. Êtes-vous en train de nous dire que le report que vous demandez, donc la prolongation d’une année avant la mise en vigueur de cette partie de la loi, permettra au gouvernement d’examiner le rapport du comité mixte spécial uniquement en ce qui a trait à la partie qui traite des troubles mentaux, ou allez-vous aussi considérer les mineurs matures et d’autres sujets? Est-ce possible de croire qu’une année sera suffisante? Pourriez-vous préciser de combien de temps le gouvernement a besoin pour examiner le rapport? Est-ce que vous parlez du temps requis pour examiner ce qui concerne, dans le rapport du comité, la seule question des troubles mentaux en ce qui a trait à l’aide médicale à mourir?

M. Lametti : Je vous remercie de la question. Il est vrai que le rapport qu’on vient de recevoir du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir a abordé plusieurs sujets. L’année que l’on vient de demander à titre de prorogation traite uniquement des troubles mentaux. Évidemment, on va également tenir compte du rapport et des recommandations qui s’y trouvent. Pour les autres sujets, il y aura des processus bien connus. Le gouvernement va donner une réponse formelle au rapport, et après avoir entamé des discussions, tout cela pourrait nous mener à d’autres étapes.

(1550)

Je sais que plusieurs personnes dans cette Chambre, à l’autre endroit et dans la société canadienne voudraient que les directives anticipées existent dans ce cas. Une grande majorité des Canadiens et Canadiennes voudraient y avoir accès, et c’est un sujet évoqué dans le rapport et que le projet de loi au Québec a traité aussi.

Nous allons...

La présidente : Monsieur le ministre, nous devons passer aux questions de la sénatrice Boyer.

[Traduction]

La sénatrice Boyer : Merci d’être ici, messieurs les ministres. Pendant l’étude préalable et l’étude du Sénat sur le projet de loi C-7, il était important pour moi, en tant que membre du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, de veiller à ce que nos travaux tiennent compte des points de vue des témoins inuits, métis et des Premières Nations. Il est impératif de ne pas oublier ce que ces témoins nous ont dit.

Comment le projet de loi C-39 et le délai qu’il prévoit seront-ils utilisés pour atténuer les inquiétudes de ces communautés à propos de l’offre inadéquate pour les Autochtones, notamment ceux qui vivent avec un handicap, de services et de ressources en santé mentale qui sont adaptés à la culture?

M. Duclos : Je vous remercie de la question.

Vous avez tout à fait raison. Non seulement les soins de santé mentale offerts dans de nombreuses communautés autochtones sont inadéquats et, dans certains cas, ne sont pas prodigués dans un cadre sécuritaire et adapté à la culture, mais il y a également un problème d’accès à ce type de soins. Il y a une crise des soins de santé mentale dans de nombreuses communautés autochtones, ce qui a des répercussions sur leurs membres.

C’est pourquoi, par l’entremise du ministère de la ministre Hajdu, avec mon aide et celle de la ministre Bennett, nous investirons beaucoup plus pour soutenir la santé mentale et les soins de santé mentale pour les Autochtones. Nous le ferons notamment au moyen de l’investissement que le premier ministre a annoncé il y a quelques semaines : 2 milliards de dollars supplémentaires versés dans le Fonds d’équité en santé autochtone. Cette mesure soutiendra directement la capacité des communautés autochtones d’investir, comme elles le veulent, dans la santé mentale et les soins pour leur population.

Les besoins sont immenses, et les traumatismes sont grands. Nous devons donc être là pour soutenir les peuples autochtones.

La sénatrice Boyer : Merci, monsieur le ministre.

Je cède la parole au sénateur Woo.

Le sénateur Woo : Je remercie les ministres d’être ici aujourd’hui.

J’aimerais revenir sur la question du caractère irrémédiable, qui est le critère à satisfaire pour avoir accès à l’aide médicale à mourir. Pour autant que je sache, et je pense que vous l’avez confirmé, il n’y a pas de consensus dans le milieu médical sur le caractère irrémédiable des maladies mentales. Cela signifie qu’il faudra traiter au cas par cas chaque demande d’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est le seul problème médical invoqué. Quels que soient les protocoles élaborés pendant le présent délai, cela signifie que les personnes atteintes d’une maladie mentale qui demandent l’aide médicale à mourir se tourneront vers des évaluateurs qui sont enclins à reconnaître que leur problème de santé est irrémédiable. Il est probable que tous les évaluateurs de l’aide médicale à mourir seront prédisposés à considérer que certaines maladies mentales sont irrémédiables puisqu’ils ne seraient pas évaluateurs autrement.

Si des professionnels de la santé qui connaissent le patient, mais qui ne font pas partie de l’équipe d’évaluation de l’aide médicale à mourir, sont d’avis que la maladie mentale en question n’est pas irrémédiable, dans quelle mesure la loi leur permet-elle d’intervenir dans la demande d’aide médicale à mourir?

M. Lametti : Je vais parler de manière générale des mesures de sauvegarde avant de céder la parole au ministre Duclos.

Dans ce qu’on appelle le deuxième volet, le patient doit obtenir un deuxième avis d’une personne qui ne fait pas partie de l’équipe médicale ou qui ne lui prodigue pas de soins. Il s’agit d’une mesure de sauvegarde spécifique qui est expliquée en détail dans le rapport des experts.

Dans le grand ordre des choses, je suis persuadé, une fois de plus, que cela représentera un petit nombre de cas où l’aide médicale à mourir est demandée et un nombre encore moindre de cas où la demande est acceptée. Le ministre Duclos pourra peut-être apporter des précisions à ce sujet.

M. Duclos : J’ai devant moi une liste de critères d’admissibilité à l’aide médicale à mourir. J’en ai résumé certains plus tôt, lorsque j’ai parlé de l’irréversibilité, de l’irrémédiabilité et de l’incurabilité de la maladie, mais les critères sont stricts. Comme on l’a déjà dit, ils précisent que la demande ne doit pas être le résultat d’une pression extérieure; qu’il faut obtenir le consentement éclairé avant et pendant le processus; que le demandeur doit souffrir d’une maladie grave et incurable, qu’il doit avoir atteint un stade avancé du déclin irréversible de ses capacités et qu’il doit éprouver une souffrance physique ou psychologique intolérable qui ne peut pas être soulagée dans des conditions que la personne considère comme acceptables. Ensuite, il existe de nombreuses mesures de sauvegarde concernant le processus lui-même. Ces mesures visent les médecins et les infirmiers praticiens indépendants, appuyés par d’autres professionnels s’ils ne sont pas suffisamment préparés ou équipés pour traiter les demandes de manière appropriée. Il existe toutes sortes d’autres mesures de sauvegarde qui, comme je l’ai déjà dit, existent pour protéger les Canadiens vulnérables de la manière prévue par le Code criminel.

Ce n’est pas une décision que les évaluateurs et les praticiens prennent à la légère.

La présidente : Il reste 30 secondes.

Le sénateur Woo : Que se passe-t-il si la voix dissidente est celle d’un professionnel de la santé reconnu qui connaît le patient, mais qui ne fait pas partie de l’équipe d’évaluation ni même de celle du deuxième avis obligatoire en vertu des règles? Cette personne a‑t-elle le droit d’intervenir dans la demande d’aide médicale à mourir?

M. Duclos : Tout cela fait partie des critères fondamentaux pour pouvoir accéder à l’aide médicale à mourir. C’est très...

La présidente : Je dois vous interrompre, monsieur le ministre.

Il reste deux minutes pour poser une question et y répondre.

La sénatrice McCallum : Je vais demander qu’on me réponde par écrit, car je ne pense pas qu’ils auront le temps de le faire de vive voix.

Les peuples autochtones présentent des taux élevés de handicap, de maladie mentale, de mortalité prématurée et de morbidité liés à des traumatismes intergénérationnels et à des politiques gouvernementales qui ne leur sont pas favorables. Il existe une autre forme de souffrance lorsque l’on a peur de se voir offrir la mort après des générations de génocide.

Les données actuelles suggèrent que nous ne pouvons pas prédire qu’une personne atteinte d’une maladie mentale ne se rétablira pas; la plupart d’entre elles y parviennent avec les soins appropriés. En outre, nous ne parvenons pas à fournir des soins et des mesures d’aide en temps utile, ce qui peut avoir un effet sur la décision de mourir, comme nous l’avons déjà entendu dans certains cas, et comme je l’ai entendu de la part de nombreuses personnes.

Le message selon lequel la mort peut constituer une solution à la maladie mentale semble aller à l’encontre des efforts de prévention du suicide, et l’Association canadienne pour la prévention du suicide a exprimé ses inquiétudes à ce sujet.

Je me réjouis de cette pause d’un an, mais qu’est-ce qui changera vraiment en un an s’il n’y a pas de place pour un réexamen des problèmes réels auxquels sont confrontés les groupes marginalisés?

[Français]

La présidente : Monsieur le ministre, la sénatrice a demandé à ce que vous répondiez par écrit, alors on vous demande de répondre à cette question par écrit.

Honorables sénateurs, le comité siège depuis maintenant 65 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, je suis obligée d’interrompre les délibérations afin que le comité puisse faire rapport au Sénat.

Messieurs les ministres, au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être joints à nous aujourd’hui et de nous avoir aidés dans nos travaux concernant ce projet de loi. Je tiens également à remercier vos fonctionnaires.

Des voix : Bravo!

La présidente : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que la séance du comité soit levée et que je déclare au Sénat que les témoins ont été entendus?

Des voix : D’accord.


Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

Rapport du comité plénier

L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, le comité plénier, qui a été autorisé par le Sénat à étudier la teneur du projet de loi C-39, Loi modifiant la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir), signale qu’il a entendu lesdits témoins.

(À 16 heures, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 21 septembre 2022, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

ANNEXE

Allocution
de Son Excellence Ursula von der Leyen
présidente de la Commission européenne
devant les
deux Chambres du Parlement
à la
Chambre des communes
à Ottawa
le mardi 7 mars 2023

Son Excellence Ursula von der Leyen est accueillie par le très honorable Justin Trudeau, premier ministre du Canada, l’honorable George J. Furey, Président du Sénat, et l’honorable Anthony Rota, Président de la Chambre des communes.

[Français]

L’hon. Anthony Rota (Président de la Chambre des communes): Votre Excellence madame von der Leyen, monsieur le premier ministre, monsieur le Président Furey, madame et messieurs les chefs de parti, mesdames et messieurs les parlementaires et chers invités, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue à cet événement extraordinaire.

[Traduction]

C’est un jour marqué par plusieurs premières, soit la première visite officielle de la présidente von der Leyen au Canada et la première allocution de son Excellence au Parlement du Canada, une allocution prononcée, de surcroît, à la veille de la Journée internationale des femmes par la première femme à présider la Commission européenne. En tant que Président de la Chambre des communes, j’ai eu l’insigne honneur, madame la présidente, d’être parmi les premiers à vous accueillir au Parlement du Canada.

[Français]

Permettez-moi maintenant d’inviter le très honorable premier ministre à prendre la parole.

Le très hon. Justin Trudeau (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, parlementaires, chers amis et chers collègues, je vous remercie d’être présents ce soir pour ce moment tout particulier.

[Traduction]

C’est pour moi un honneur d’inviter la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, à s’adresser au Parlement.

Il y a près d’un an, je me suis adressé au Parlement européen, à Bruxelles, et c’est pour nous un immense privilège de vous accueillir ce soir au siège du gouvernement du Canada, à Ottawa. Cela témoigne des liens forts et étroits qui unissent le Canada et l’Europe.

[Français]

En mars de l’année dernière, j’ai pris la parole devant le Parlement européen. C’était quelques semaines après le début de l’invasion de la Russie en Ukraine qui a ébranlé la stabilité internationale.

Vladimir Poutine a apporté à l’Europe une guerre d’une ampleur inégalée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il pensait que le monde était divisé. Il pensait que son invasion affaiblirait l’Union européenne, l’OTAN et les liens entre les amis et alliés démocratiques du monde. Un an plus tard, on voit clairement à quel point il se trompait.

[Traduction]

Madame la présidente, vous êtes ici en tant que dirigeante influente dont le rôle a été déterminant dans la mobilisation du soutien en faveur de l’Ukraine et de son peuple, non seulement en Europe, mais également dans le monde entier. Vous défendez la démocratie, la liberté et la paix. Vous êtes déterminée à aider les plus vulnérables. Vous incarnez les valeurs que nous chérissons au Canada, et notre gouvernement et tous les Canadiens sont fiers de vous considérer comme une amie.

Comme l’a rappelé le Président, la Journée internationale de la femme a lieu demain. Nous devons souligner que la présidente von der Leyen est seulement la sixième femme dans l’histoire à s’adresser ainsi au Parlement canadien et la première femme élue à la présidence de la Commission européenne. Elle fait partie des nombreuses femmes qui, partout dans le monde, sont devenues le visage de la résistance à l’autocratie. Des femmes comme Svetlana Tikhanovskaïa, leader de l’opposition biélorusse qui vit en exil et vient d’être condamnée hier à 15 ans de prison, ou comme les femmes d’Iran — des écolières aux grands-mères — qui sont descendues dans la rue pour exiger de mener leur vie à l’abri des persécutions et qui ont lancé un mouvement dont le cri de ralliement « Zan, zendegi, azadi », soit « Les femmes, la vie, la liberté », a retenti dans le monde entier.

Alors que les femmes partout dans le monde voient leur droit de choisir menacé, il est plus important que jamais que leurs voix se fassent entendre haut et fort à tous les niveaux de la société, parce que lorsque les femmes s’expriment avec force et occupent des postes de responsabilité, nos démocraties s’en trouvent renforcées. Le monde est confronté à des difficultés, et nous avons besoin d’un leadership solide, responsable et fondé sur des principes qui est exercé par des personnes venant de tous les horizons. Merci donc, Ursula, non seulement d’incarner admirablement ce leadership, mais aussi de proposer des politiques, des décisions et des solutions qui permettent à des voix importantes de se faire entendre en Europe et dans le monde entier.

[Français]

Ensemble, nous allons bâtir un avenir meilleur et assurer la croissance d’une économie résiliente et centrée sur le bien-être de tous les Canadiens et de tous les Européens. Nous allons bâtir un avenir alimenté par une énergie propre et une croissance propre, un avenir où les minéraux critiques du Canada sont à la base des technologies propres partout dans le monde, un avenir où on lutte contre les changements climatiques et où on crée de bons emplois pour la classe moyenne des deux côtés de l’Atlantique.

En 2017, c’est ici, à la Chambre des communes, que l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne a été ratifié. En cinq ans, le commerce entre le Canada et l’Union européenne avait déjà augmenté de deux tiers.

[Traduction]

Le partenariat entre le Canada et l’Union européenne est plus solide que jamais. Il repose sur notre foi commune dans l’égalité des sexes, les droits de la personne, le droit international, l’importance d’avoir une classe moyenne forte et en expansion et une croissance qui ouvre des perspectives à tous. Fondamentalement, notre partenariat s’appuie sur la confiance en des institutions démocratiques fortes et durables comme celle où nous nous trouvons aujourd’hui.

Sans plus attendre, j’ai le plaisir et l’honneur d’accueillir la présidente von der Leyen qui s’adressera au Parlement.

Son Excellence Ursula von der Leyen (présidente de la Commission européenne): Monsieur le premier ministre, cher Justin, monsieur le Président du Sénat, monsieur le Président de la Chambre des communes, Excellences, mesdames et messieurs les sénatrices et sénateurs, mesdames et messieurs les députés, chers invités, mesdames et messieurs les citoyens du Canada, merci de m’accueillir au cœur du Canada, dans le berceau de la démocratie canadienne.

On dit que c’est dans les moments difficiles qu’on reconnaît ses vrais amis. C’est bien ce que sont l’Union européenne et le Canada: de vrais amis. Les histoires de nos démocraties sont étroitement liées. De nombreux Canadiens ont des racines familiales en Europe. Vos parents et grands-parents sont nombreux à avoir combattu en Europe durant les deux guerres mondiales. Ils ont été envoyés loin, de l’autre côté de l’océan. Des dizaines de milliers d’entre eux ont perdu la vie dans les tranchées en Belgique, sous la chaleur en Sicile et sur les plages de Normandie le jour du débarquement.

Je suis une Européenne de nationalité allemande. C’est le nazisme et le fascisme allemands qui ont semé la mort et la destruction en Europe et dans le monde, mais les forces alliées nous ont ramené la liberté à nous tous. Les démocraties unies nous ont libérés de la dictature. C’est donc aussi à vous, citoyens du Canada, que nous devons notre démocratie, et nous vous serons à jamais reconnaissants des sacrifices qu’ont faits vos parents et grands-parents, et du cadeau inestimable de la liberté.

Aujourd’hui, près de 80 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les valeurs de liberté et de démocratie restent un pont solide entre les deux rives de l’Atlantique. Vous, les citoyens du Canada, avez bâti ce pays comme une communauté ouverte à tous, au-delà de l’origine ethnique, de la langue ou de la religion — une véritable communauté de valeurs. Et c’est le même esprit qui nous unit, nous Européens: 27 pays fiers, 24 langues officielles, près d’un demi-million de citoyens, réunis au sein d’une union, l’Union européenne. Aujourd’hui, nous sommes une communauté de valeurs et, ensemble, nous formons une communauté de destin.

C’est ce qui fait qu’il est si pénible de voir aujourd’hui que les valeurs mêmes qui nous unissent sont menacées comme jamais auparavant. Il y a un an, la Russie a envoyé des chars, des drones et des missiles au-delà de ses frontières contre un pays souverain et pacifique. Depuis lors, d’innombrables vies ont été brisées et d’innombrables familles, séparées. Des centaines de milliers de jeunes Ukrainiens ont dû dire au revoir à leurs proches et sont partis au front afin de combattre pour la liberté. Des millions d’autres ont dû laisser derrière eux non seulement leurs foyers, mais également leurs rêves.

Tout cela parce que Vladimir Poutine refuse de reconnaître leur liberté et leur indépendance. C’est quelque chose que nous ne pouvons tout simplement pas accepter. Nous n’accepterons jamais qu’une puissance militaire qui nourrit des visées hégémoniques franchisse une frontière internationale avec ses chars.

Nous n’accepterons jamais que Vladimir Poutine nie l’existence même de l’Ukraine en tant qu’État et en tant que nation. Nous n’accepterons jamais cette menace pour la sécurité européenne et le fondement même de notre communauté internationale. Je sais que la détermination du Canada est aussi ferme que la nôtre.

Le Canada et l’Union européenne défendront la Charte des Nations unies. Nous nous tiendrons aux côtés de l’Ukraine pour qu’elle soit maîtresse de son avenir. Rien qui concerne l’Ukraine ne se fera sans l’Ukraine. Nous continuerons de soutenir l’Ukraine aussi longtemps qu’il le faudra.

Le Canada a une relation très particulière avec l’Ukraine. Nombreux sont les Canadiens qui sont aussi fiers d’être Canadiens que de leur héritage ukrainien. Vous avez compris la gravité des événements en Ukraine avant bien d’autres, y compris avant bien des Européens.

En 2014, Vladimir Poutine a envahi l’Ukraine pour la première fois. À l’époque déjà, le Canada a décidé de mettre en place une mission de formation pour l’armée ukrainienne. L’opération Unifier a formé plus de 35 000 soldats ukrainiens, ce qui s’est avéré vital dans les heures qui ont suivi l’invasion russe à grande échelle de l’année dernière.

Vladimir Poutine pensait pouvoir atteindre Kiev en trois jours. Ce fut une erreur stratégique monumentale. La résistance de l’Ukraine a stupéfié le monde. Elle était principalement attribuable au courage du peuple ukrainien, mais aussi, de manière cruciale, au professionnalisme des soldats ukrainiens, dont bon nombre avaient été formés par le Canada. Je ne le dirai jamais assez: le Canada a sauvé l’Ukraine dans les premiers temps. Je tiens à remercier tous ceux qui ont participé à l’opération Unifier pour leur magnifique contribution.

La réponse du Canada à la guerre en Ukraine a largement dépassé l’appel du devoir. Je vous suis si reconnaissante, cher Justin, pour l’étroite et constante coopération qui a régné entre nous durant l’année écoulée. Tout ce que nous avons fait pour l’Ukraine, nous l’avons fait ensemble, car nous sommes convaincus que l’Ukraine et les valeurs vers lesquelles elle tend doivent l’emporter dans cette guerre.

Premièrement, nous pensons que l’Ukraine mérite notre soutien économique et militaire indéfectible. Le dispositif de soutien mis en place par l’Europe, d’une valeur équivalant à presque 100 milliards de dollars canadiens, est sans précédent de mémoire d’homme. Le Canada y contribue aussi bien au-delà de sa juste part. Maintenant, les formateurs militaires européens travaillent de concert avec les formateurs canadiens.

Deuxièmement, nous pensons que la Russie doit payer pour son crime d’agression. Nos sanctions sont étroitement alignées les unes sur les autres depuis le premier jour de l’invasion. Maintenant, grâce à notre plafonnement commun du prix du pétrole, les recettes que la Russie tire du pétrole brut et des produits pétroliers ont chuté de 48 % en février par rapport à l’année dernière.

Troisièmement, nous pensons aussi que les Ukrainiens doivent être maîtres de leur propre avenir. Ils ont le droit de choisir avec qui ils s’associent, et l’Ukraine a fait son choix. Elle veut être membre de l’Union européenne, mais Vladimir Poutine veut forcer l’Ukraine à faire partie de la Russie.

C’est exactement le contraire qu’il a obtenu. Aujourd’hui, l’Ukraine est candidate à l’adhésion à l’Union européenne, et l’Europe orchestre l’aide apportée aux Ukrainiens pour reconstruire leur pays. Le Canada, en concentrant son action non seulement sur les infrastructures, mais aussi sur la guérison des blessures physiques et psychologiques des victimes ukrainiennes, est à cet égard un partenaire clé. Nous ne pouvons pas soulager leurs douleurs et leurs souffrances, mais nous pouvons faciliter leur guérison, et je vous en remercie.

C’est en cela que nous, Européens et Canadiens, sommes des partenaires en phase les uns avec les autres. Nous avons le même objectif, les mêmes convictions, et cela vaut non seulement pour nos gouvernements, mais aussi pour nos concitoyens.

Pensez à l’accueil que les Canadiens et les Européens ont réservé aux réfugiés ukrainiens. Lorsque les réfugiés ukrainiens ont frappé à notre porte, les Européens et les Canadiens n’ont pas hésité un instant. Aujourd’hui, quatre millions d’Ukrainiens vivent et travaillent dans l’Union européenne. Les citoyens de l’Europe leur ont ouvert leur cœur et leur porte, et il en va de même des citoyens du Canada. Vous accueillez désormais plus de 165 000 Ukrainiens, un nombre incroyable pour un pays de l’autre côté de l’océan.

Mais derrière les chiffres, il y a les histoires, vos histoires. Des histoires de séparation déchirante, de personnes bravant tous les dangers pour fuir vers un endroit sûr. Avec, à l’arrivée, un chaleureux accueil ici, au Canada. Je sais que certains d’entre vous sont ici parmi nous aujourd’hui, à la tribune. Je vous invite à vous joindre à moi pour leur rendre hommage, à eux et à tous les Canadiens qui font de ce pays un pays de solidarité et d’espoir.

[Français]

Mesdames et messieurs, la guerre a aussi rapproché le Canada et l’Europe pour une autre raison. Avant l’invasion, l’Europe était très dépendante du gaz russe. Poutine a essayé de nous faire chanter avec cela.

La Russie a coupé le gaz à l’Europe de 80 % en 8 mois et les prix de l’énergie en Europe sont montés en flèche. L’été dernier, nos factures d’énergie ont grimpé de 300 %.

Cependant, le chantage de Poutine a échoué. Nous avons remplacé le gaz russe manquant avec plus d’importations venant de fournisseurs fiables. Le Canada a joué un rôle important en augmentant sa production de gaz naturel liquéfié.

Entretemps, nous avons amélioré nos efficacités énergétiques en réduisant notre consommation de 20 %, mais, surtout, nous avons investi massivement dans les énergies renouvelables, qui sont propres, qui sont produites sur place et qui nous offrent l’indépendance.

Cependant, notre travail ne s’arrête pas là. Comme l’avenir de l’énergie, ce sont les énergies renouvelables, notre partenariat avec le Canada est crucial pour accélérer la transition vers l’énergie propre. Le Canada et l’Europe sont des leaders mondiaux pour l’action climatique. Nous avons fait de nos objectifs climatiques des lois. Nous avons fixé un prix sur le carbone et nous avons prouvé qu’on peut développer l’économie et réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Toutefois, de nouveaux défis nous attendent. La course mondiale aux technologies propres a commencé. Il y a une concurrence croissante pour attirer les investissements et pour contrôler les maillons les plus importants des chaînes d’approvisionnement clés. Dans cet environnement plus compétitif, le Canada et l’Europe doivent jouer dans la même équipe. Les chaînes vitales ne doivent pas être contrôlées par les puissances autocratiques.

Nous, les Européens, avons appris cette leçon à nos dépens. Les démocraties doivent travailler ensemble pour écarter les risques. C’est une question de sécurité nationale, mais aussi de cohérence avec nos valeurs. Prenons les matières premières. Le Canada est un partenaire naturel pour nous en raison des minéraux que vous exploitez, mais aussi en raison de la manière dont vous les exploitez. Nous, les Européens, tenons au respect de l’environnement. Nous tenons aux droits des travailleurs. Nous voulons que les communautés locales et autochtones bénéficient de nos investissements, et c’est exactement ce qui se passe au Canada.

En matière de valeurs, le Canada et l’Europe parlent le même langage. Unissons donc nos forces pour le climat, pour nos économies et pour nous libérer de nos dangereuses dépendances.

[Traduction]

Mesdames et messieurs, après deux guerres mondiales, le monde a déclaré que tous les êtres humains avaient des droits égaux et inaliénables. Mais aujourd’hui, certaines forces s’emploient explicitement à détruire ce principe de base.

J’étais à Boutcha, juste après sa libération par l’armée ukrainienne. J’ai vu les sacs mortuaires alignés le long des rues. J’ai entendu les récits des viols et des exécutions de sang-froid perpétrés par les troupes russes. Et la Russie continue de commettre des atrocités, de bombarder des civils, de frapper les plus vulnérables. L’ONU affirme que la Russie utilise le viol et l’agression sexuelle comme faisant partie de sa « stratégie militaire » en Ukraine. Il ne s’agit pas seulement d’une guerre contre l’Ukraine. C’est aussi une guerre contre les droits de la personne. C’est une guerre contre les droits des femmes.

Les femmes ukrainiennes ripostent. Elles n’ont cessé de se battre depuis 2014. Lors de la première invasion russe, les femmes n’étaient pas autorisées à accomplir des missions de combat. Mais cela leur était égal. Elles ont commencé à rejoindre l’armée.

Je cite la lieutenante-colonelle Melanie Lake des Forces armées canadiennes, qui a dirigé l’opération Unifier et qui est présente avec nous aujourd’hui. Elle a déclaré ceci: « Les Ukrainiennes n’ont pas attendu, pour servir dans l’armée à tous les postes, qu’on leur ouvre les portes. Ces portes, elles les ont abattues. » Ces femmes ont également fait voler en éclats un plafond de verre, juste au-dessus de la tête des envahisseurs russes.

Depuis le début de la guerre, le nombre de femmes dans l’armée a plus que doublé. Cependant, il ne s’agit pas seulement des femmes au sein de l’armée. Des millions d’Ukrainiennes défendent l’avenir et la liberté de leurs enfants. Une Ukrainienne, tout particulièrement, est devenue un symbole mondial: la première dame d’Ukraine, Olena Zelenska. Elle est restée à Kiev pendant les heures les plus sombres. Tout comme son mari, elle est une figure emblématique du courage de son peuple. Je l’ai vue en action sur la scène internationale pour défendre son peuple, en particulier les plus vulnérables. C’est une force inébranlable au service du bien.

Ces femmes sont une source d’inspiration pour nous tous. Je tiens à leur rendre hommage en cette veille de la Journée internationale des femmes.

En temps de guerre comme en temps de paix, nous avons besoin de tous nos talents pour relever les grands défis de notre époque. Le Canada en est bien conscient. Il y a huit ans, alors qu’on lui demandait pourquoi il avait formé un gouvernement respectant la parité entre les femmes et les hommes, le premier ministre Trudeau a répondu « parce que nous sommes en 2015 ». C’est aussi simple que cela.

Je suis fière d’être à la tête du premier collège de l’histoire de la Commission européenne composé à parts égales d’hommes et de femmes. Avant la fin de mon mandat, 50 % des cadres au sein de la Commission européenne seront des femmes. Comme le Canada, l’Europe sait que les hommes et les femmes apportent des perspectives différentes. La diversité aboutit à de meilleures décisions, à de meilleures sociétés.

L’égalité entre les hommes et les femmes ne se fait pas toute seule. Même pas « parce que nous sommes en 2023 ». Elle nécessite jour après jour de l’attention et de l’attachement à la cause pour faire en sorte que: les femmes et les filles puissent être libérées de la violence; les femmes gagnent autant que leurs collègues masculins, parce qu’elles le méritent; les femmes, aussi bien que les hommes, puissent mener de front vie familiale et carrière; les femmes puissent atteindre les plus hauts niveaux, parce qu’elles sont qualifiées. Nous avons le devoir donner l’exemple, sur les plans social et économique, de ce à quoi ressemble un monde où l’égalité des chances existe. Et ce devoir est important chaque jour, pas seulement lors de la Journée internationale des femmes.

Mes chers amis réunis au sein de cette auguste assemblée, aucune démocratie n’est parfaite, mais toutes les démocraties sont perfectibles. C’est notre mission. C’est ce qui nous réunit. C’est cette mission qui a animé des générations successives de grands Canadiens et de grands Européens.

Ils ont eu l’audace de regarder au-delà des imperfections de ce qui est pour voir la beauté de ce qui pourrait être. Je parle des générations qui ont réuni l’Europe après deux guerres mondiales et la chute de l’Union soviétique ainsi que des générations qui ont fait du Canada le pays inclusif et accueillant qu’il est aujourd’hui. Le Canada est un pays fier de son patrimoine et tourné vers l’avenir, qui abrite des peuples autochtones ainsi que des nouveaux arrivants. C’est un endroit de traditions et d’innovation, où il importe peu de savoir qui on est, comment on prie et qui on aime, et où on peut vivre pleinement sa vie et tirer le maximum de sa collectivité.

C’est également ma vision de l’Europe. C’est ce pour quoi je travaille chaque jour. Ainsi, que le Canada et l’Europe suivent cette voie ensemble.

Merci beaucoup.

[Applaudissements]

[Français]

Le Président Rota: Merci, madame la présidente.

[Traduction]

J’invite maintenant l’honorable George Furey, Président du Sénat, à dire quelques mots.

L’hon. George J. Furey (Président du Sénat): Madame la présidente von der Leyen, monsieur le premier ministre Trudeau, monsieur le Président Rota, chers collègues parlementaires, chers membres du corps diplomatique, distingués invités, mesdames et messieurs.

[Français]

Au nom de tous les parlementaires et de tous les invités à la Chambre, j’ai l’honneur, Votre Excellence, de vous remercier de votre présence et de votre discours au Parlement du Canada. Vos paroles ont exprimé clairement que vous êtes une grande amie du Canada.

[Traduction]

Votre présence aujourd’hui, madame la présidente, est tout à fait à propos, car le président Zelenski s’est aussi adressé à cette Chambre, il y a un peu moins d’un an. Le discours que vous tenez aujourd’hui nous rappelle à quel point il est important de défendre les innombrables valeurs que nous avons en commun.

Étant donné que la guerre, tragiquement, déchire de nouveau l’Europe depuis l’invasion barbare et illégale de l’Ukraine par la Russie, il est plus que jamais nécessaire de protéger des valeurs comme la liberté, la démocratie et la primauté du droit. Nous ne devons jamais tenir ces valeurs pour acquises. C’est pour ces valeurs que les Ukrainiens doivent continuer de se battre tous les jours.

Dans les dernières années, le monde a assisté à une montée du protectionnisme et du populisme qui menace l’ordre mondial fondé sur la primauté du droit et qui mine les fondements mêmes de la démocratie.

Madame la présidente, je sais que je parle au nom de tous les Canadiens en disant que nous vous sommes reconnaissants d’exercer un leadership fort et d’appuyer ouvertement l’Ukraine pendant qu’elle se défend contre l’agression de la Russie. Vous avez montré que votre réponse à cette crise s’appuie sur les principes de la démocratie et du respect des droits de la personne. Madame la présidente, nous saluons tous vos efforts à cet égard.

D’ailleurs, ce sont ces mêmes principes qui font du Canada et de l’Europe une partie intégrante de la grande famille mondiale des pays démocratiques. Le Canada et l’Union européenne ont une vision commune pour leur permettre de relever leurs défis collectifs à long terme, et ils font front commun pour défendre la paix, l’intégrité territoriale et la primauté du droit. Même si la période actuelle est difficile, c’est dans ces moments que les gens cherchent de l’espoir et du courage auprès de grands leaders comme vous, madame la présidente.

Lors du discours sur l’état de l’Union que vous avez prononcé devant le Parlement européen en automne dernier, vous avez repris les paroles inspirantes de Sa Majesté la reine Elizabeth II qui, au plus fort de la pandémie, avait dit: « Nous réussirons, et ce succès appartiendra à chacun d’entre nous. » Revenant sur ces paroles, vous avez ajouté de manière très réfléchie et perspicace que « notre avenir se construit avec des idées nouvelles, tout en étant fondé sur nos valeurs les plus anciennes ». Madame la présidente, vos paroles résonnent plus que jamais aujourd’hui.

Par ailleurs, à la veille de la Journée internationale des femmes, je souhaite prendre un instant pour reconnaître le rôle vital que jouent les femmes dans le façonnement de nos sociétés et de l’économie. Le Canada et l’Europe doivent continuer d’agir en chefs de file dans la promotion de l’égalité des genres en garantissant l’accès à l’éducation, aux soins de santé et aux débouchés économiques.

En terminant, j’aimerais encore une fois souligner l’importance du partenariat entre le Canada et l’Europe, ainsi que réaffirmer notre engagement commun à favoriser la paix et la prospérité partout dans le monde.

Merci, madame la présidente, de nous avoir communiqué votre vision de ce que l’avenir nous réserve. Soyez assurée de la solidarité de la population canadienne alors que vous poursuivez votre voyage de la plus grande importance.

[Français]

Merci beaucoup.

Le Président Rota: Merci, monsieur le Président.

Madame la présidente, je vous remercie de votre discours. Votre leadership nous inspire tous. Au cours de votre remarquable carrière, vous avez travaillé sans relâche pour défendre les droits de la personne, assurer un partage équitable des chances et renforcer la paix, la sécurité internationale, la démocratie et l’État de droit.

Ces efforts ont contribué à faire croître encore plus la réputation de l’Union européenne, qui est un phare d’espoir en matière de stabilité et d’égalité.

[Traduction]

Ces valeurs que chérit également le Canada sont les fondements d’une croissance économique énergique qui amènera inexorablement l’Union européenne et le Canada vers un avenir meilleur pour les peuples et pour la planète.

L’Union européenne et le Canada entretiennent depuis longtemps des liens d’amitié, et pour bien des gens, moi y compris, des liens familiaux nous rapprochent d’autant plus. Dans un monde où les différences engendrent des conflits, le Canada et l’Union européenne sont unis sur plusieurs fronts: ils soutiennent tous deux l’Ukraine, ils travaillent tous deux à bâtir un avenir meilleur et plus prospère et, depuis toujours, ils défendent et consolident tous deux la démocratie.

[Français]

Comme je l’ai dit, c’est une réussite remarquable que d’être la pionnière que vous êtes, madame la présidente. Je suis certain que vos paroles et vos actions au cours de votre carrière seront une source d’inspiration pour ceux et celles qui suivront.

[Traduction]

Je vous remercie de votre présence parmi nous aujourd’hui et de votre discours. Je remercie également tous les parlementaires et les distingués invités venus entendre cette allocution qui marquera l’histoire du Parlement.

[Français]

Merci à vous tous.

[Applaudissements]

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